RDC - Conflit des compétences dans les entreprises publiques : Le ministre des transports sur le grill après un récadrage par la ministre d'État au portefeuille 

Dimanche 23 mai 2021 - 11:54
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Chérubin Okende Senga, le ministre des transports, se serait-il rendu coupable d'un abus de pouvoir en ordonnant des mesures conservatoires notamment dans des entreprises publiques alors que cette prérogative est dévolue à la ministre d'Etat chargée du portefeuille, Princesse Adèle Kayinda Mahina ? 

Le ministre des transports, voies de communication et de désenclavement devra s'expliquer devant les élus nationaux. Le député national Antoine Nzangi Ngelemgbi, initiateur le 19 mai d'une question orale avec débat à l’assemblée nationale, estime que Cherubin "empiète dangereusement sur les attributions exclusives du ministre d'Etat, ministre du Portefeuille, Représentant de l'Etat, Actionnaire Unique, dans les Sociétés commerciales et celles d'économie mixte ". 

Selon Antoine Nzangi, les mesures conservatoires du ministre des transports "sont de nature à créer la confusion et un dysfonctionnement du portefeuille de l'Etat". Cet élu national craint une juxtaposition entre les missions d'audits du ministre des transports et les missions de contrôle de l'Inspection générale des finances (IGF), en cours d'exécution. 

Depuis la transformation des entreprises publiques du secteur marchand en sociétés commerciales ou d'économie mixte (en 2008, ndlr), la notion de tutelle ne leur est plus applicable, rappelle-t-il au ministre Okende. 

"Chérubin Okende fait l'unanimité contre lui avec cette initiave malencontreuse d'autant plus que les sociétés commerciales de l'Etat étaient déja pendant de longs mois sous mesures conservatoires après la démission du gouvernement Ilunkamba. Dépuis février 2021, il leur était interdit de procéder aux recrutements, promotions, cessions et transferts des biens de l'Etat. Interdiction était aussi faite aux dirigeants de ces entreprises de voyager, sauf dérogation.", rappelle un conseiller à la présidence de la République sous le sceau de l'anonymat.  

La leçon de l'ANEAP à OKENDE :"trop des contrôles tuent le contrôle"

Réconduire les mêmes mesures a fait dire à l'ANEP, syndicat des établissements et entreprises du Portefeuille de l'Etat, que "trop des contrôles tuent le contrôle", dans sa lettre du 20 mai adressée au ministre des transports par son Administrateur sécretaire exécutif Patrick Ngulu.

L'ANEP fait la leçon à Okende lorsqu'elle lui rappelle que "les ministères qui relèvent des secteurs d'activités  de ces entreprises ont pour mission d'élaborer la politique sectorielle et n'interviennent que pour des problèmes à caractère technique". Avant de lui asséner que :" pour toute question relative à l'organisation, au fonctionnement, au financement et à la gestion, seul le Ministère du portefeuille est à habilité à donner des orientations et instruction, le cas échéant à demander des comptes." 

Bon départ, crash à l'arrivée, pourquoi ?

Tout avait pourtant bien commencé lorsque par sa lettre du 4 mai, le ministre des transports avait adrésse à son collègue du portefeuille une réquête pour une mission d'audit de gestion dans 21 entreprises, établissements  et services publics suivants : Société commerciale des transports et des ports (SCTP), Chemins de fer des Uele et Fleuve (CFUF), Régie des voies aériennes (RVA), Lignes aériennes Congolaises (LAC), Autorité de l'aviation civile (AAC), Congo Airways (CAW), Agence nationale de Météorologie et de télédétection par satellite (Mettelsat), Société des Transports au Congo (TRANSCO), Groupe d'études des transports (GET), Office de gestion du fret multimodal (OGEFREM), Régie des voies fluviales (RVF), Conseil Médical de l'Aviation (CMA), Lignes maritimes congolaises (LMC), cellule d'appui et de suivi des programmes regionaux et activités des corridors des transports (CEPCOR), Bureau permanent d'enquêtes et accidents d'aviation (BPEA), commission nationale de prévention routière (CNPR), comité national de sûreté de l'aviation civile (CNS-AC), la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC), l'Organisation des Equipements de Banana-Kinshasa (OEBK), la Congolaise des voies maritimes (CVM) et au Programme Esprit de vie.

Le oui de la Princesse Adèle suivi du non après

La réquête de Okende fut pourtant accueillie favorablement par la ministre du portefeuille. Qui instruisit aussitôt le Conseil supérieur du Portefeuille (CSP) à mettre à la disposition de son collègue des experts outillés. Tâche que s'acquitta avec empressement Norbert Nkubu Eluna, président du CSP, en élaborant le 10 mai les termes de références de ladite mission d'audit et en désignant une équipe de 30 experts. C'est la seconde lettre du ministre Okende dix jours plus tard, soit le 15 mai, sur les mesures conservatoires qui est à l'origine de la crise actuelle entre les deux ministères. Et qui a amené la ministre du portefeuille a tapé du poing sur la table en mettant fin, par sa lettre du 20 mai, à la mission des experts du CSP devant conduire ces missions d'audit. Princesse Adèle Kayinda en a profité pour récadrer Chérubin Okende en lui rappelant notamment que les entreprises publiques évoluant dans le secteur dont lui a la charge de réguler, leur gestion comme celle des entreprises privées rélèvent plutôt de leurs actionnaires. En clair, de même que le ministre des transports n'a aucune compétence pour s'immiscer dans la gestion de la compagnie d'aviation africaine (CAA) par exemple, une société privée, de même il n'a pas le droit de s'ingérer dans la gestion de CONGO AIRWAYS notamment. La gestion et l'évaluation de cette dernière comme de celle de CAA revenant à leurs actionnaires.

La ministre Kayinda a également attiré l'attention de son collègue sur le fait que les entreprises publiques ne sont pas des démembrements de l'Etat, ni d'un ministère, même pas celui du portefeuille. "La perception contraire avait longtemps coûté cher aux entreprises, qui voyaient leurs comptes et leurs productions être saisis par les créanciers de l'Etat, étant considérés par les juges internationaux comme des démembrements de celui-ci, explique-t-elle dans sa missive sur un ton ferme mais courtois. 

Pour elle, "leur transformation en sociétés commerciales a clairement séparé les personnalités juridiques et a mis un terme à cette confusion".

Double emploi

En rappelant à Okende qu'il y a dans les entreprises publiques des états des lieux en cours sur intruction du président de la République, Princesse Adèle Kayinda lui a fait voir que poursuivre les audits et maintenir les mesures conservatoires décriées "c'est faire doublement le même travail et en même temps".

Origines des calominies ?

Non contentes du désaveu sur les mesures conservatoires par le ministère du portefeuille, certaines mauvaises langues ont commencé à distiller le vénin de la calominie en insinuant que la ministre d'Etat aurait suspendu les missions d'audit, après avoir subi  des pressions, pour cacher des cadavres dans les placards, s'indigne l'un de ses conseillers. Des accusations sans fondement que déplore l'entourage de la ministre du portefeuille. A peine nommée à la tête de ce ministère, moins d'un mois, comment aurait-elle fait pour avoir en si peu de temps des cadavres à cacher, s'interrogent ses proches, ? "Qui plus est alors que l'IGF y conduit des missions d'audit", ajoutent-ils, indignés. 

Pour nombre d'observateurs, cette crise tombe au bon moment pour mettre fin définitivement à cette confusion entre la tutelle technique et financière qui engendre des conflits inutiles et qui plombent les performances des entreprises publiques. La loi de 2008 sur la transformation des entreprises publiques en sociétés commerciales a déjà pourtant tranché la question. Ils en appellent à l'observance des textes comme le veut l'état de droit. 
Sauf changement, le gouvernement doit aller en séminaire pour promouvoir la cohésion en son sein. Et cela passe notamment par le respect des attributions des uns par les autres. Le séminaire sera aussi l'occasion pour le président de la République et le premier ministre de déconseiller vivement certains membres du gouvernement, lorsqu'ils sont mis techniquement en difficulté sur un dossier, de ne pas chercher à ternir l'image de leurs collègues dans les réseaux sociaux, a conclu un conseiller à la présidence de la République qui suit ce feuilleton de près. 

ZK

 

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