Si la course à la Magistrature suprême risque d’être désormais une exclusivité des nantis capables de claquer plus de 100.000 dollars sans remords, le candidat député ou sénateur se verra contraint de débourser CDF 500.000 contre CDF 2.500.000 pour le candidat gouverneur.
La loi électorale déposée lundi 5 janvier 2015 à la chambre basse du parlement durcit la condition financière de validité des candidatures à la présidentielle en RD-Congo. Avec ses 70 millions d’habitants et 2.345.000 de superficie, le pays ne pourra plus être dirigé par n’importe quel crevard ou opportuniste. Le prétendant à la Magistrature suprême est tenu de s’acquitter d’une caution de CDF 100 millions, soit environ USD 108.000 au taux de CDF 9.200 le dollar, certainement l’une des plus élevées sur le continent. Au Mali, par exemple, où la loi du 4 septembre 2006 déterminant les conditions de validité des candidatures à l’élection présidentielle, les candidats présidents de la République sont obligés de verser au Trésor public une caution de 10.000.000 FCFA, soit 15.200 Euros, remboursable à hauteur de 50% en cas de score supérieur à 5% au 1er tour. Au Sénégal, de 6.000.000 de FCFA en 2000, la caution a été relevée de 25.000.000 de FCFA en 2007 puis à 65.000.000 de FCFA en 2012. Chez les Malgaches, la loi fixe la caution de 50.000.000 d’Ariary, environ 17.600 Euros remboursables à tout candidat atteignant 10% des votants. Et en Tunisie, le candidat dépose au Trésor public une caution de 10.000 Dinars, environ USD 6.000, restituable s’il obtient au moins 3% des suffrages exprimés. A ceux qui prétendent que c’est le projet transmis au Parlement est conçu pour tuer la démocratie, ses défenseurs expliquent que la hauteur de cette caution est proposée pour éviter un très grand nombre des candidatures opportunistes et minimiser le risque de contestation des résultats.
Crevard, opportunistes, rêveurs … s’abstenir. La course à la présidentielle en RD-Congo sera désormais une seule affaire des nantis. Après le retrait de la proposition de loi électorale du député de l’Opposition Delly Sesanga, le gouvernement de la République, via le vice-premier ministre et ministre, Evariste Boshab, a déposé un projet de loi en la matière au Parlement. Il s’agit du projet de loi modifiant et complétant la Loi n°06/006 du 9 mars 2006 telle que modifiée par la Loi n°11 portant organisation des élections présidentielles, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales. La barre est mise très haut concernant les candidats à différents niveaux. De USD 50.000 pour le candidat président de la République, le projet Boshab double ce montant pour 2016, soit USD 108.000 contre USD 27.000 pour le candidat gouverneur et 5.000 pour le candidat à la députation nationale. Les moins nantis sont exclus de la course, car les élections deviennent une affaire des nantis en RD-Congo.
Le décor des élections aux niveaux local et national se plante petit à petit alors que certains candidats éligibles et leurs électeurs sont distraits et risquent de se réveiller en retard quand les règles du jeu seront déjà fixées. Le débat sur les élections est présent sur toutes les bouches à Kinshasa et à l’intérieur du pays sans oublier à l’étranger. La donne politique va beaucoup changer. Plusieurs candidats seront freinés par la caution non remboursable à verser au Trésor public. Seuls les riches pourront oser. Les opportunistes seront contraints de jouer les spectateurs. Le projet transmis au Parlement corse les conditions de validité des candidatures, surtout à la présidentielle, énumérées à l’article 103. Notamment être de nationalité congolaise d’origine, être âgé de 30 ans au moins et présenter un récépissé de paiement des frais de dépôt de candidature non remboursables de 100.000.0000 Franc congolais versés dans le compte du Trésor public. C’est une pilule amère à avaler quand on sait qu’en 2011, cette même caution s’élevait à USD 50.000. et voilà qu’en prévision de la prochaine élection présidentielle, cette somme est doublée, soit une augmentation de 50%. Personne ne pourra alors s’aventurer à verser cette caution quand il sait qu’il ne serait pas élu pour le récupérer autrement. Il faut réfléchir avant de se projeter dans l’arène.
Au niveau de la députation nationale et des sénatoriales, la courbe de la caution est également montante. De USD 250 en 2011, elle est passée à environ USD 530 –CDF 500.00- pendant que le candidat gouverneur devra s’acquitter de CDF 2.500.000 de caution, soit environ USD 27.000. A voir l’augmentation de la caution, les débats s’annoncent très houleux au Parlement, où le texte de Boshab a été déposé.
Dans le tableau ci-dessous, les différentes cautions et les articles y relatifs.
Octave MUKENDI
N° | Désignation | Caution FC | Caution/USD | Articles |
01 | Présidentielle | 100.000.000 | 108.000 | 103 & 104 |
02 | Députation nationale | 500.000 | 530 | 120 & 121 |
03 | Sénatoriale | 500.000 | 530 | 130 & 132 |
04 | Gouverneur | 2.500.000 | 2700 | 146 |
05 | Député provincial | 500.000 | 530 | 162 |
06 | Maire de la ville | 400.000 | 430 | 186 |