«Les besoins pour l’organisation réussie des élections s’élèvent à plus d’un milliard de dollars, alors que le budget pour l’ensemble des besoins de l’Etat était arrêté à neuf milliards de dollars », a déclaré le président Kabila dans son discours du 30 juin 2015. Une semaine après, l’Opposition est revenue à la charge en démontrant, chiffres à l’appui, que les élections ne se financent pas en un seul exercice.
Hier lundi 7 juillet2015 à Notre dame de Fatima, répondant point par point au message du président de la République à l’occasion du 55me anniversaire de l’indépendance, Vital Kamerhe, Eve Bazaiba, Jean-Claude Vuemba, Mathieu Kalele, Mwenze Kongolo ont… par la bouche de leur modérateur, Gilbert Kiakwama, dénoncé le manque de volonté politique du pouvoir en place d’organiser les élections.
Il a indiqué que la persistance des déficits chroniques dans les lignes budgétaires de la CENI, de 2012 à 2015, alors que la Primature et la Présidence ont enregistré un dépassement dans leurs allocations pendant la même période.
Dans le même registre, Kiakwama a fustigé le financement par le gouvernement des projets non autorisés par l’autorité budgétaire, notamment la construction de l’hôtel du gouvernement et du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo. L’opposition a également exhumé le rapport annuel 2014-2015 de la CENI adressé au Parlement.
A croire le modérateur de l’opposition, la CENI avoue dans son rapport que la répartition des sièges ne peut avoir lieu avant la satisfaction de certains préalables, dont celui de la stabilisation des groupes et des kits volés.
Découpage territorial, l’enrôlement de nouveaux majeurs, la session extraordinaire, le dialogue… ont de nouveau été abordés au cours de la messe politique de l’opposition. EW
DÉCLARATION DE L’OPPOSITION POLITIQUE
Les partis politiques, les regroupements politiques et les groupes parlementaires de l’opposition ainsi que les associations de la société civile et de la diaspora, réunis ce lundi 6 juillet 2015 à la Paroisse Notre Dame de Fatima, à Kinshasa Gombe, dans le cadre de la Dynamique pour l’unité d’action de l’opposition, La Dynamique, en sigle, ont suivi avec attention le discours prononcé par Mr Kabila à l’occasion du 55ème anniversaire de l’accession de notre pays à l’indépendance.
De l’analyse de ce discours, la Dynamique retient cinq observations et prend la position suivante :
Du Calendrier électoral global
Mr Kabila dit dans son discours :
…‘’Le calendrier électoral global, exigé à cor et à cri par l’Opposition, a été contesté par la même Opposition sitôt publié….’’
Pour La Dynamique :
L’Opposition avait exigé le calendrier global suite à la publication par la CENI d’un calendrier électoral partiel qui ne faisait pas mention de l’élection présidentielle. Après une forte pression de l’Opposition, de la Société civile et de la Communauté internationale, la CENI a reculé et a effectivement élaboré un autre calendrier reprenant cette fois-ci tous les scrutins.
Publié le 12 février 2015, le calendrier électoral global a été examiné par l’Opposition qui, dans sa déclaration du 27 février 2015, a relevé son caractère non consensuel, inconstitutionnel, irréaliste, incohérent et dangereux. Cette déclaration de l’Opposition contient une contre-proposition du calendrier remise à la CENI pour servir de base de discussion pour la mise en place d’un calendrier consensuel et réaliste. L’Opposition attend toujours la réaction de la CENI.
Par ailleurs, lors de la publication du calendrier électoral global, la CENI, elle-même, avait identifié 23 contraintes dont 18 relevaient de la responsabilité du gouvernement et 6 du Parlement. Aujourd’hui, la CENI avoue, dans son rapport annuel 2014-2015 adressé au Parlement que la répartition des sièges en vue des élections municipales et locales de 2015, ne peut avoir lieu avant l’accomplissement de certains préalables notamment celui de la stabilisation des groupements et des kits volés (pp 41,57).
Du Financement des élections
Mr Kabila dit dans son discours :
‘’…les besoins pour l’organisation réussie des élections s’élèvent à plus d’un milliard de dollars américains, alors que le budget pour l’ensemble des besoins de l’Etat était arrêté à neuf milliards de dollars américains…
Pour La Dynamique :
Gouverner c’est prévoir ; Monsieur KABILA se plaint du coût élevé de l’organisation des élections (1.155.000, dollars) sur un budget de 9 milliards de dollars. Soit ! Mais, les élections ne se financent pas en un seul exercice budgétaire.
En jetant un coup d’œil rétrospectif depuis 2012 sur la manière dont le pouvoir en place a géré les fonds alloués à la CENI, on peut relever ce qui suit:
Ce tableau démontre à suffisance, le manque de volonté politique du pouvoir d’organiser les élections d’une part, et confirme d’autre part, les détournements systémiques des fonds publics que l’Opposition ne cesse de dénoncer.
Et, pendant ce temps, le même pouvoir finance des projets hors budget et non autorisés par le Parlement: c’est le cas notamment de la construction de l’Hôtel du gouvernement, du parc agro-industriel coûteux de BUKANGA LONZO, etc. Il est donc établi que le glissement financier a été organisé pour favoriser en définitive le glissement politique et permettre à Monsieur Kabila de demeurer au pouvoir au-delà de novembre 2016, en violation de la Constitution.
De l’enrôlement des nouveaux majeurs
Mr Kabila déclare dans son discours que :
‘’…la participation aux scrutins de 2015 d’anciens mineurs devenus majeurs injustement privés d’un droit que j’estime légitime….’’
Pour La Dynamique :
- Le droit de tous les Congolais majeurs, y compris les nouveaux de participer aux élections est garanti par la Constitution en son article 5. Il ne se discute pas et l’Opposition l’a toujours exigé. Aujourd’hui, le pouvoir le reconnaît. Mieux vaut tard que jamais, mais ce n’est pas tout quant à la finalisation et à la fiabilisation du système électoral en cours.
- En effet, le fichier électoral étant pollué et corrompu, comme le démontre le rapport de la CENI, (juin 2014 – mai 2015 pp. 48 et suivantes), il est urgent de procéder à l’enrôlement de tous les électeurs, y compris les nouveaux majeurs.
De la Sécurisation du processus électoral
Mr Kabila dit dans son discours :
‘’…l’intolérance politique et la non-acceptation des résultats des élections par les perdants ayant conduit à des violences meurtrières avant, pendant et après les scrutins de 2006 et 2011…’’
Pour La Dynamique :
La sécurisation du processus électoral est de la responsabilité du Gouvernement. Pour l’Opposition, Monsieur KABILA et son gouvernement sont les responsables des violences meurtrières qui ont émaillé les scrutins de 2006 et 2011.
L’Opposition en veut pour preuve le rapport de la Monusco entériné par l’Union Européenne ; rapport faisant état des violences avant, pendant et après les élections de 2011.
Le Centre Carter, l’Eglise catholique, et les autres organismes internationaux ont fait le même triste constat. Et l’Union Européenne, la Société civile et l’Opposition avaient en son temps fait des recommandations pour la restructuration de la CENI en vue d’éviter la répétition du chaos électoral de 2011, recommandations qui n’ont pas été suffisamment prises en compte.
Du découpage territorial
Mr Kabila dit dans son discours :
‘’…Je note également que quoique non inscrit dans l’ordre du jour de mes consultations, la question de la réforme territoriale, de l’installation de nouvelles provinces a été abordée…et a reçu une large adhésion…’’
Pour La Dynamique :
La Dynamique tient à rappeler qu’en date du 7 décembre 2009, dans son discours sur l’état de la Nation, prononcé devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès, Monsieur KABILA déclarait : ‘’Sans remettre en cause le principe de la décentralisation, l’autre contradiction majeure à résoudre est celle qui oppose d’une part l’exigence de la mise en œuvre dans les délais prévus d’une décentralisation d’essence constitutionnelle, assortie du découpage du territoire national en 26 provinces et, d’autre part, le double impératif de garantir la viabilité de toutes ces provinces au regard de la modicité des ressources disponibles et de consolider au préalable l’autorité de l’Etat à peine rétablie, dans un environnement où les forces centrifuges n’ont pas nécessairement dit leur dernier mot.‘’
Monsieur KABILA, tout en reconnaissant dans ce discours que les 26 provinces sont constitutionnelles, il soulignait aussi les difficultés de leur mise en œuvre du fait du manque d’argent et de la nécessité de consolider l’autorité de l’Etat, sans lesquels ces provinces ne seront pas viables.
Aujourd’hui, la Dynamique constate avec étonnement, alors que d’une part, l’Etat est encore fragile, et que d’autre part, le même Monsieur KABILA, se plaint des maigres moyens de l’Etat pour l’organisation des élections, il fait néanmoins du découpage territorial, pour des raisons faciles à deviner, son cheval de bataille défiant par ailleurs la grande majorité du peuple congolais qui s’y oppose farouchement.
De tout ce qui précède, la Dynamique :
- Constate que dans la forme comme dans le fond, le discours de Mr Kabila traduit clairement le manque de volonté politique du pouvoir de conduire le peuple congolais aux élections libres, démocratiques, transparentes et crédibles dans les délais constitutionnels ;
- Constate en outre que Monsieur KABILA, toujours prompt au mélange de genres, viole l’indépendance de la CENI qui, aux termes de la Constitution, demeure la seule institution ayant pour compétence exclusive d’organiser les élections et de traiter des questions électorales avec toutes les parties prenantes. Ce qui constitue une violation flagrante et scandaleuse de l’esprit et de la lettre de la Constitution ;
- Exige que le pouvoir respecte l’indépendance de la CENI, la libère de son emprise ‘’glissogène’’ et lui permette de retrouver sa neutralité, comme il doit libérer le pouvoir judiciaire, tous les deux instrumentalisés à ce jour, consacrant de facto la violation du sacro-saint principe de séparation des pouvoirs ;
- Exige ainsi la réanimation urgente de la commission tripartite Pouvoir-Opposition-CENI, pour la mise en place effective d’un calendrier électoral consensuel et réaliste, l’enrôlement des électeurs avec à la clé un nouveau fichier électoral fiable, gage de la tenue apaisée des élections, et de l’acceptation des résultats par tous. Il ne faut donc pas initier le dialogue dans le but inavoué de pouvoir créer le glissement du calendrier, alors que toutes les questions relevées par Monsieur KABILA qui ne peut plus se présenter à l’élection présidentielle prochaine, peuvent être examinées en toute transparence par tous les partenaires et parties prenantes au sein de cette Commission tripartite en vue de crédibiliser le processus électoral en cours, vicié par les stratagèmes de blocage ;
- Souligne que le découpage territorial est prévu à l’article 4 de la Constitution, mais faute pour le pouvoir de ne l’avoir pas mis en œuvre depuis 2006, elle réaffirme, compte tenu du calendrier électoral surchargé, des faiblesses de l’Etat et des grêles moyens financiers disponibles, que le découpage territorial est inopportun pour le moment.
Elle soutient que le plus important aujourd’hui est de se consacrer essentiellement et d’une part, à l’organisation des élections présidentielles, dont le délai est expressément fixé par l’article 73 de la constitution, et d’autre part, aux élections législatives nationales qui se tiennent le même jour que la présidentielle, soit le 27 novembre 2016, lesquelles seront précédées par les élections provinciales, sénatoriales ainsi que celles des gouverneurs et vice- gouverneurs de province.
- La Dynamique réitère, s’agissant des élections urbaines, municipales et locales, sa position de les postposer pour 2017 en vue d’une meilleure préparation. Ce que soutient d’ailleurs la CENI qui déclare dans son rapport annuel 2014-2015 adressé au Parlement, p.41, ce qui suit : ‘’L’organisation des élections municipales et locales de 2015 requiert en amont et ce, avant la répartition des sièges, la stabilisation des entités (groupements) en termes de dénomination, limites, composition et noms de ceux qui les dirigent’’ ;
– Réaffirme haut et fort son refus de participer au prétendu dialogue et aux consultations initiés par Mr Kabila. Elle soutient, dans le même esprit, le refus des groupes parlementaires de l’opposition de prendre part à toute plénière de la session extraordinaire qui examinerait le projet de loi sur la répartition des sièges pour les élections urbaines, municipales et locales ;
Pour la Dynamique, « dialogue, instrumentalisation de la CENI et session extraordinaire » participent des manœuvres dilatoires du pouvoir, preuves si besoin en était encore d’alignements stratégiques, sur fond de violation de la Constitution, de sa volonté de ‘’glissement’’ que nous sommes déterminés à combattre de toutes nos forces, jusqu’au sacrifice suprême s’il le faut.
Enfin, La Dynamique lance un appel pressant au peuple congolais de demeurer vigilant, et de prendre la mesure de toutes les conséquences fâcheuses que pourrait engendrer l’attitude de Mr Kabila à vouloir se maintenir à tout prix au pouvoir en violation de la constitution, et de se tenir prêt à assumer son destin devant l’histoire.
Nous devons chasser la peur. Car aujourd’hui, la peur est dans l’autre camp.
Seule la lutte libère !
Que Dieu bénisse le peuple congolais et la République Démocratique du Congo.
Fait à Kinshasa, le 6 juillet 2015
Le Modérateur
Honorable Gilbert KIAKWAMA-Kia-KIZIKI