Partant de l’expérience scandaleuse de l’élection des gouverneurs dans les 21 provinces issues du démembrement, la Cenco craint que le processus électoral ne soit compromis à l’avance. Bien plus, elle émet des réserves quant à la tenue prochaine des élections transparentes et apaisées. Le message de la Cenco est clair : les intimidations, le harcèlement et l’achat des votes sont autant de preuves de la forte emprise de la MP sur la centrale électorale. Interpellée, la Céni doit s’affranchir et, au besoin, se repentir.
Le Potentiel
Des observateurs pensaient se servir de l’expérience de l’élection des gouverneurs de province dans les 21 nouvelles provinces nées du démembrement, il n’en a pas été le cas. La Commission électorale nationale indépendante (Céni), qui subissait son premier test d’indépendance, a totalement déçu. Outre de nombreuses voix qui se sont levées en son temps, la Commission épiscopale Justice et Paix (CEJP) de la Cenco, vient de joindre son rapport d’observation de ce scrutin controversé.
Dans une déclaration, faite hier lundi devant la presse, la Cenco note que la Céni a raté une occasion de prouver son indépendance vis-à-vis de la Majorité présidentielle. En se laissant entraîner par la MP, la Céni a perdu toute sa crédibilité.
Et la Cenco craint pour la poursuite du processus électoral. Son message traduit un désarroi. C’est celui d’une institution citoyenne, en l’occurrence la Céni, totalement inféodée au pouvoir. Peut-on dès lors s’attendre à quelque chose de bon d’une Céni qui a clairement affiché ses penchants ? La Cenco estime qu’il n’est pas trop tard pour que la Céni évite d’entraîner tout le pays dans un chaos indescriptible.
« Le principe universel de la liberté de vote ainsi que celui du secret de vote ont été largement violés par toutes les forces politiques qui étaient engagées dans le processus de l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs de nouvelles provinces, en ce sens que ce scrutin s’est déroulé sur fond d’intimidations, de harcèlement et d’achats de vote ». Tel est le constat qui ressort du rapport d’observation de la CEJP rendu public le jeudi 28 avril 2016 au Centre interdiocésain de Kinshasa.
La déclaration de la Cenco a été faite en présence du président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Corneille Nangaa, et de celui du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), Tito Ndombi.
L’essentiel du rapport
Lu par le 1er secrétaire général adjoint de la Cenco, l’abbé Donatien Nshole, ce rapport reprend l’essentiel du travail abattu par les 44 observateurs Court Terme déployés dans les 21 provinces concernées par le scrutin. Ceux-ci ont observé la campagne électorale, le jour du scrutin et la période postélectorale.
Par rapport à la campagne électorale, 17 des 21 rapports reçus indiquent que la campagne s’est déroulée dans un climat apaisé, sauf dans les provinces de la Tshopo, Maï-Ndombe, Ituri et Kwango où des cas d’incitation à la haine ont été signalés. Autre observation, sur 66 candidats, il n’y avait eu que 5 femmes.
Pour plus de transparence dans l’avenir, la Cenco exhorte les personnalités politiques qui exercent des fonctions d’Etat à ne plus user de leur influence, notamment par des pratiques non démocratiques telles que des intimidations, des menaces, le harcèlement et des achats de vote, pour des fins électives.
Quant au jour même du scrutin, le rapport atteste que dans la province du Kwilu, les agents de la Céni ont écarté les observateurs de la Cenco des opérateurs de vote. A cet effet, la Cenco exhorte la Céni au respect de la loi électorale qui dispose en son article 42 que l’observateur accrédité par la Céni doit assister à toutes les opérations électorales.
En ce qui concerne les contentieux électoraux, le rapport indique que sur les 21 nouvelles provinces, seulement 6 ont des Cours d’appel contre les 15 autres. Raison pour laquelle, en attendant l’installation des cours administratives d’appel dans toutes les 26 provinces, la Cenco recommande au gouvernement et à toutes les autres instances habilitées, de doter les nouvelles provinces de Cours d’appel.
Par ailleurs, la CEJP/Cenco rappelle à l’opinion nationale et internationale que, au terme de l’article 241 de la Loi électorale, les gouverneurs et vice-gouverneurs qui viennent d’être élus vont achever le mandat des gouverneurs et vice-gouverneurs de province qui ont été démembrées, lequel mandat a très largement dépassé les limites telles qu’elles sont prescrites dans l’article 198 de la Constitution.
Tout en rassurant de son accompagnement permanent en vue de la consolidation de la jeune démocratie congolaise, à travers une observation électorale et une éducation civique professionnelles, la CEJP/Cenco promet de déployer ses observateurs électoraux sur l’ensemble du territoire national pour le reste de scrutins.
Le 1er secrétaire général adjoint de la Cenco a prévenu que le rapport d’observation des gouverneurs et vice-gouverneurs de la CEJP/Cenco n’a pas la prétention d’être exhaustif.
Les observations pertinentes de la Céni donnent raison à ceux qui ont toujours exigé une recomposition du bureau de la centrale électorale. Depuis toujours, il a été reproché à la Céni d’être trop attachée à la MP, qui la téléguide au loin. Ce rapport accablant de la Céni va sans doute relancer le débat autour de la requalification du bureau de la Céni. Toutefois, il n’est pas trop tard pour la centrale électorale de se ressaisir, s’affranchir et au besoin, se repentir.