" Dialogue national : défis et leçons à tirer ". Le thème était au cœur d’une conférence-débat organisée le samedi 12 décembre dernier en la salle de réunion de la paroisse Notre Dame de Fatima par l’Asbl Conscience nationale Congolaise (CNC), en partenariat avec l’Institut Congolais de Recherche en Développement et Etudes Stratégiques (ICREDES) et le groupe de presse Le Potentiel et Radio télé 7. Cette rencontre d’échanges de haut niveau était une occasion pour tous les participants de comprendre les raisons qui font qu’un dialogue, conférence, colloque, concertation, de portée nationale, puisse réussir ou échouer.
Pour éclairer la lanterne du public, les organisateurs ont ciblé trois éminents professeurs d’université pour aider la nation congolaise à tirer les leçons du passé et maximiser les chances d’un éventuel dialogue politique.
Le professeur Mutamba Makombo, en tant qu’historien, a centré son intervention sur " le dialogue en RDC à travers l’histoire ". Selon lui, l’histoire du dialogue en RDC remonte à la veille de l’indépendance pour expliquer toutes les rencontres que les Congolais ont connues. Avant d’expliquer, aussi bien le contexte, les objectifs, la qualité des participants, le lieu, la durée que l’issue de ces palabres.
Depuis l’indépendance jusqu’à ce jour, les pourparlers entre Congolais se sont soldés par un échec chaque fois que les conditions concourant à l’exclusivité, à l’objet, à la qualité des participants, à la sécurité des participants, au lieu et à la durée de la rencontre n’étaient pas réunies, a mentionné ce professeur d’Université.
Le prof Mutamba Makombo a tenu à alerter l’opinion nationale sur un fait : « Que la réussite du dialogue national politique convoqué par le Chef de l’Etat dépendra de son caractère inclusif, de la composition des membres participants, du cadre selon qu’il est rassurant pour tous les participants, des garanties de sécurité assurées aux participants, de la clarté de l’ordre du jour, de la durée qui doit être optimale, du rôle de médiateur, de l’application des résolutions arrêtées à ces assises ».
« BATIR UN PAYS PLUS BEAU QU’AVANT »
D’après lui, " les personnes appelées au dialogue doivent penser à la restauration de notre dignité bafouée. Elles doivent être soucieuses de l’intérêt général et de notre souveraineté. Elles ne doivent pas trahir le Congo. Je forme le vœu que ce dialogue nous aide à bâtir un pays plus beau qu’avant, et assurer sa grandeur ".
Le professeur Kabongo Malu, Philosophe, a axé son exposé sur " le dialoguisme congolais ou l’incapacité à construire un Etat viable au cœur de l’Afrique ". Ce philosophe retient cinq cycles de dialogues dans l’histoire congolaise, avec plus de 20 rencontres formelles.
Malgré la récurrence de dialogues, il constate que les Congolais ne sont pas parvenus à renforcer ni les institutions républicaines ni la souveraineté nationale, encore moins assurer leur développement. C’est ce qu’il appelle le dialoguisme, des dialogues récurrents infructueux.
Et de s’interroger : "Dialogue et dialoguisme sont-ils bons ou mauvais pour le peuple et pour le développement ? ". Par ce questionnement, Kabongo Malu est d’avis qu’ :" il n’y a pas dialogue si les partenaires ne sont pas en mesures de se mettre à la place des uns et des autres ; d’inter-changer leurs places pour comprendre les positions des uns et des autres et surtout si tous ne disent pas la vérité rien que la vérité. Parce qu’il n’ y a que la vérité qui libère. Ce dialogue de vérité, de consensus le peuple en produit une ou deux fois dans la vie d’une nation ".
« SANS CONSCIENCE NATIONALE, IL N’Y A NI ETAT, NI NATION »
Par ailleurs, Kabongo Malu estime que les faillites humaines et institutionnelles minent la RDC. Et d’ajouter : les différentes rencontres n’ont pas permis à la RDC de tirer son épingle du jeu, de se développer. Il est convaincu que « ces faillites humaines et institutionnelles sont la résultante de l’absence de la conscience nationale historique dans le chef des Congolais, d’une part, et d’autre part de la sauvagerie politique dans le chef des animateurs des institutions ».
Pour l’orateur, la conscience a pour mission de réconcilier l’homme avec lui-même en vue de la paix. "Sans conscience nationale, il n’y a ni Etat ni Nation ni Développement. ", a souligné Kabongo Malu, avant de paraphraser Cheik Anta Diop : "un peuple sans conscience nationale est une population".
Le directeur exécutif de l’ICREDES, François Mukoko Nsenda, a analysé les positions minimalistes des pro-dialogue et celles maximalistes des anti-dialogue. Et de lâcher : "l’impasse est totale. " "Nous sommes dans une situation de crise, poursuit-il, même si le dialogue pouvait se tenir, il y a des risques que l’on revienne à la case départ, on risque de plonger dans la même crise que celle que nous connaissons actuellement ".
Pour ce politologue, "l’Assemblée nationale est en droit d’anticiper les choses de manière à préconiser des scenarios de manière à sortir de la crise et d’éviter ce que le professeur Kabongo a appelé le dialoguisme ".
PRENDRE LE DESTIN EN MAIN
Pour clore cette journée de réflexion, le vice-président du Groupe de presse le Potentiel et Radio Télé 7, Freddy Mulumba, a invité les Congolais à prendre leur destin en main. " Nous devons lire et comprendre pour éviter le pire à notre peuple. Le Congolais doit s’assumer. Nous devons penser à l’avenir de ce grand pays ".
S’adressant aux politiciens, Freddy Mulumba les a invités à discuter entr’eux. " Soyez responsables de vos actes, mettez-vous d’accord pour l’avenir de la RDC. Tenez toujours à éclairer l’opinion ", a-t-il martélé.
" La RDC n’est pas n’importe quel pays. C’est un produit de la mondialisation. Quand le monde bouge, la RDC bouge aussi. Très souvent, les intellectuels oublient cette donne ", a conclu Freddy Mulumba. Mathy MUSAU