Dialogue : l’ONU, l’UE, l’UA et l’OIF réinstallent le doute

Jeudi 18 février 2016 - 11:31
Image

Lorsque l’on a appris mardi l’entrée en scène combinée de l’ONU (Organisation des Nations Unies), l’UE (Union Européenne), l’UA (Union Africaine) et l’OIF (Organisation Internationale de la Francophonie) dans le dossier du « Dialogue » à organiser entre Congolais, l’on a cru que l’heure de son déblocage avait sonné. Mais, après lecture du communiqué ficelé par ces organisations, force est de constater qu’au lieu d’évacuer les zones d’ombres, on continue plutôt de les entretenir.

Cela se ressent notamment à travers des termes tels que « élections à bonne date ». Pourquoi la communauté internationale ne clarifie-t-elle pas cette question ultra-sensible en s’appuyant sur la Constitution, dont les dispositions sont sans équivoque en ce qui concerne la tenue des élections présidentielle et législatives nationales ? Selon le législateur, l’élection présidentielle se tient 90 jours avant la fin du mandat du Chef de l’Etat en exercice. Bien que la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) n’ait pas respecté cette disposition dans l’élaboration du calendrier électoral global qu’elle avait publié en février 2015, la classe politique a toléré la date du 27 novembre 2016 pour la présidentielle, d’autant qu’il était indiqué, dans le même document, que la passation des pouvoirs entre le président sortant et le président élu allait avoir lieu le 20 décembre 2016.

En parlant d’« élections à bonne date », l’ONU, l’UE, l’UA et l’OIF donnent l’impression de ne pas faire cas de scrutins hermétiquement verrouillés par le législateur congolais, tels la présidentielle et les législatives nationales. On pourrait même les soupçonner de vouloir cautionner le fameux « glissement ».

S’agissant du médiateur ou facilitateur, si l’on peut prendre acte de la confirmation d’Edem Kodjo au poste, l’on ne peut toutefois s’empêcher de s’interroger sur le véritable rôle qu’il est appelé à jouer. Alors que l’Opposition pro-dialogue le perçoit comme l’homme-orchestre appelé à mettre en place le Comité préparatoire du dialogue, à le convoquer et à le piloter sans interférence d’aucune partie prenante, la Majorité présidentielle le considère comme un simple accompagnateur, dont l’assistance ne serait sollicitée qu’en cas de blocage.

Si la communauté internationale ne précise par la mission exacte de son médiateur ou facilitateur et, surtout, si ce dernier commet l’erreur de travailler sous la dictée de l’une des parties prenantes, le dialogue risque d’être une foire aux cancres.

L’autre fait qui intrigue est que l’ONU, au lieu de prendre totalement en mains le dossier du futur dialogue entre Congolais, a préféré associer l’Union Africaine et l’Organisation Internationale de la Francophonie, deux structures qui n’ont pas bonne presse au sein de la classe politique et des masses africaines. L’UA est très mal vue à cause de l’image peu flatteuse qu’elle distille dans l’opinion africaine, à savoir celle de syndicat des Chefs d’Etat foncièrement allergiques à la démocratie et donc à l’alternance démocratique au pouvoir. L’OIF, pour sa part, s’apparente de plus en plus à la maison de retraite d’anciens Chefs d’Etats africains, sur lesquels ne peuvent compter les peuples d’Afrique pour casser la spirale des mandats à vie.

L’association momentanée UA/OIF pour le co-pilotage, avec l’Onu, du dialogue entre Congolais, ne peut qu’inspirer doute et méfiance. Les questions qui bloquent la tenue du dialogue entre Congolais, à savoir la neutralité et l’indépendance de la médiation, les quotas de représentation des partis politiques et organisations de la société civile, la durée des travaux, l’ordre du jour, la nature des résolutions à prendre et leur opposabilité à tous, la clarification des règles du jeu pour la tenue des élections…vont-elles être examinées à fond et résolues ?

Ce que les observateurs craignent, ce que l’ONU, l’UE, l’UA et l’OIF n’engagent la classe politique et la société civile congolaises dans un tunnel obscur, avec à la clef une situation plus confuse que celle qu’elles tentent de résoudre maintenant. Par conséquent, un maximum de soin devrait être mis aux préparatifs du dialogue, afin qu’il restaure effectivement l’espoir perdu pour la relance du processus électoral et le sauvetage de la Nation congolaise en grand danger d’implosion.

                                  Kimp