Kofi Annan, Edouardo Dos Santos, Moustapha Niasse et Saïd Djinnit. Ils sont quatre personnalités à bénéficier de la faveur du Président Joseph Kabila pour conduire le dialogue national censé ouvrir la voie aux élections apaisées en 2016. Le Secrétaire général de l’ONU, saisi quant à ce, est-il limité dans ses prérogatives ou il a encore la possibilité de se choisir un médiateur répondant à son propre critérium ? Dans cette édition, l’analyse des forces, faiblesses, opportunités et menaces de chacun des médiateurs proposés.
C’est une concession majeure qu’a effectuée le Président Joseph Kabila, en acceptant une médiation internationale pour aider les politiciens congolais de la Majorité et de l’Opposition ainsi que la société civile à se mettre d’accord autour d’un calendrier électoral, à arrêter le budget des élections et, enfin, à prendre des mesures pour sécuriser le processus électoral. Concession majeure, parce que le 30 juin dernier, à l’occasion de la commémoration du 55ème anniversaire de l’indépendance de la RD. Congo, le Président Kabila avait réaffirmé son opposition à l’immixtion des étrangers dans les affaires intérieures de la RDC. Il y a une semaine, environ, le Président de la République a reçu les Ambassadeurs et Chefs des Missions diplomatiques accrédités à Kinshasa, au Palais de la Nation. A l’issue de la rencontre, le Doyen du Corps diplomatique, l’Ambassadeur du Cameroun en RDC, confiait aux journalistes que les élections étant une question de souveraineté nationale, le Chef de l’Etat congolais leur aurait demandé de rester à l’écart et à jouer, plutôt, un rôle positif. Pourquoi Joseph Kabila a-t-il changé de tactique ? La question est sur toutes les lèvres d’autant plus que le revirement est spectaculaire. Le premier élément de réponse, il faut aller le chercher dans la volonté de rassembler et fédérer un large éventail des acteurs sociopolitiques du pays. En effet, le succès du dialogue, comme l’a si bien dit Azarias Ruberwa, ce week-end, repose essentiellement sur son caractère inclusif. A l’inverse, l’échec des Concertations nationales de 2013 trouve son origine dans le boycott des opposants. Le Président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku en personne, l’a reconnu à plusieurs reprises sur les antennes des médias occidentaux. Deuxième élément, Joseph Kabila, habile politicien, a donné une ouverture à Etienne Tshisekedi, dont la position devenait intenable, ses partisans étant majoritairement opposés à toute idée de dialoguer avec le Président de la République. Cela dit, Joseph Kabila a contribué à sauver Tshisekedi d’un naufrage politique. Troisième élément, il a réussi à couper l’herbe sous les pieds de la plupart des ses adversaires, très hostiles au dialogue, parce qu’ils craignent d’apporter une caution morale à un éventuel projet de glissement collectif. On peut ainsi se demander si le Président Kabila n’administre pas une véritable leçon de maestro capable de récupérer d’une main ce qu’il cède de l’autre. La simple présence d’un médiateur international, désigné par l’ONU, peut paraître comme un couteau à double tranchant, comme on dit vulgairement. D’un côté, la médiation internationale va aider à vaincre la méfiance des uns envers les autres, de l’autre, elle apporte la caution morale à toutes les décisions qui pourraient résulter du dialogue. En effet, si la médiation est assurée par l’ONU, il est évident que les discussions ne s’écarteront pas de différentes Résolutions du Conseil de Sécurité de l’ONU, sans oublier l’Accord-cadre d’Addis-Abeba sur la paix en RDC et dans la Région des Grands Lacs africains. Il reste que Les personnalités proposées ne trainent pas toujours un passé éloquent en matière de négociations. Kofi Annan, par exemple, a été récusé en Syrie. Il avait fini par rendre le tablier, car jugé trop partisan. Néanmoins, il connaît très bien le dossier congolais, depuis la guerre dite de libération (1996-10997) jusqu’à la guerre du 2 août 1998, déclenchée par le RCD. Kofi Annan maîtrise également toutes les péripéties ayant abouti au Dialogue inter-Congolais de Sun City. Eduardo Dos Santos est connu comme allié inconditionnel du pouvoir en place à Kinshasa. Saura-t-il prendre de la hauteur ? Certains acteurs politiques congolais estiment que la présence de Dos Santos calmerait les ardeurs militaristes des pyromanes. Moustapha Niasse préside l’Assemblée nationale du Sénégal, un pays considéré comme modèle de démocratie en Afrique noire. Il connaît très bien le dossier congolais pour avoir déjà eu à jouer le médiateur. Saïd Djinnit n’a pas convaincu dans la gestion de la crise politico-sécuritaire au Burundi. D’où viendra l’oiseau rare ?
La Pros.