Dialogue: l’ABAKO propose son cahier des charges !

Jeudi 5 novembre 2015 - 06:17
  1.  une béquille au processus démocratique.

Il importe de réfléchir, en ce qui concerne notre pays, en termes de démocratisation, c’est-à-dire un processus car il y a toujours un décalage entre le modèle théorique qui meuble nos pensées et l’expérience concrète de la démocratie avec ses règles subtiles et ses contraintes.

La plus grande erreur, c’est de croire que la RDC est une « démocratie » accomplie et  consolidée, au même titre que les nations occidentales ou les quelques rares démocraties africaines (Afrique du Sud, Ghana, Zambie, Sénégal, etc.). La RDC est en processus de démocratisation. Le processus démocratique se déploie dans un milieu social, il se heurtera toujours à l’imprévisibilité de l’homme.

C’est pourquoi on ne peut pas prévoir ni la durée de l’apprentissage nécessaire au succès du processus démocratique, ni le nombre de ratures inévitables. Le tout est tout de suite (hic et nunc) n’est possible en politique et pas plus qu’en économie. Faire de l’illusionnisme politique, c’est se réfugier dans un modèle construit dans notre pensée avec l’espoir d’en avoir l’expérience concrète. Un modèle reste un modèle. Le modèle théorique est un idéal. Il faut se garder de substituer une illusion à une autre. Si la démocratie pluraliste s’impose comme nécessité impérieuse, c’est parce qu’elle correspond à une aspiration profonde des peuples. Son succès dépend de la  patience que l’on mettra à la bâtir.

L’apprentissage se prêtant à des écueils inévitables, nous estimons que le dialogue peut assurément servir d’accoudoir politique conjoncturel pour préserver les acquis et garantir la continuation de l’apprentissage démocratique.

  1. Le dialogue n’est pas une Assemblée constituante, mais une dynamique de rationalisation de la compétition politique au bénéfice de la démocratie et de la paix. Se parler ne veut  pas dire changer les règles du jeu.

La Constitution ne peut pas s’inviter au dialogue sinon en termes de respect des principes qui y sont consacrés, notamment l’alternance démocratique s’agissant principalement du Président de la République, cœur du système politique congolais.

  1. Le dialogue est une négociation ou un jeu à somme variable dans lequel les pertes et les gains sont mutuellement assumés. Chaque camp y va pour assurer sa survie politique et cela ne peut que donner lieu à des concessions sans forcément remettre en question l’option fondamentale de l’alternance en 2016. La surenchère actuelle des uns qui voient dans le dialogue une possibilité de glissement est, à notre sens, compréhensible, elle relève de la tactique normale des négociations. Le principe cardinal de la négociation se résume en ce qu’à la fin, tout le monde gagne en dépit des déséquilibres des gains respectifs. L’alternance de 2016 ne s’obtiendra pas sans contrepartie, le Congo n’étant pas une démocratie au sens plein du terme. Dans les pays de tradition autocratique, la proclamation de la démocratie ne sonne pas le glas de la dictature ; n’entraîne pas le démantèlement de l’appareil répressif et l’arsenal juridique du totalitarisme. La démocratie est loin d’être définitivement acquise, même avec l’avènement du multipartisme. Elle est fragile et précaire car à la merci d’une contre-offensive de ceux qui ont fait le serment d’aller jusqu’au bout de l’unanimisme.
  2. Le dialogue n’est pas un moment de redéfinition de l’environnement politique congolais, l’illusion de la mise en place d’une nouvelle transition ou d’un glissement collectif quelles que soient les motivations est à proscrire. Le dialogue ne sera pas un « Sun city 3 », moins encore des « concertations nationales bis » d’appel des gouvernements d’union nationale, de saluts publics ou inclusifs. Il s’agit de créer des conditions d’une fin de mandat sereine pour la majorité au pouvoir et lui permettre de servir d’alternative à l’opposition actuelle ou de se maintenir au pouvoir à travers un processus électoral crédible, démocratique et apaisé. Il ne s’agit pas de trouver des alternatives ou des excuses à la démocratie mais d’en permettre la fluidité face à des pesanteurs ou difficultés évidentes constatées depuis la publication du calendrier électoral par la CENI.
  3. Le dialogue est un moindre mal comparé à l’imperméabilité terrorisante actuelle ; l’échec du dialogue serait préférable à son avortement. Fort malheureusement, une certaine opinion attribue au dialogue un caractère attentatoire à l’intérêt général c’est-à-dire aux attentes de la population. « Négocier n’est pas se compromettre », c’est dans le langage politique l’art de manœuvrer, de trouver le point le plus pertinent dans le jeu politique et l’action publique.

Les hommes politiques sont des hommes d’actions plutôt que de suspicions, le dialogue permettra simplement un changement du mode de communication adopté par les politiques congolais : « la communication par médias interposés ». Or la discrétion qui n’est pas synonyme de secret est la plus grande vertu dans  l’ordre politique, principe véritable même dans une démocratie consolidée. Tout peut s’harmoniser autour d’une table et trouver des solutions sans folklore médiatique.

Si le dialogue échoue, on aura quand même le mérite d’avoir tenté de sauver la République de la dérive.

III. Les matières à traiter

Nous pensons qu’un dialogue politique utile et constitutif entre les opérateurs politiques dans le contexte actuel devrait essentiellement se consacrer à la recherche des voies et moyens de parvenir effectivement à l’alternance démocratique et dans le délai connu de toutes, majorité et opposition.

A cette fin, les matières fondamentales qui doivent faire l’objet des discussions concernent :

  1. L’engagement formel et par écrit de tous les participants à respecter les verdicts des urnes à l’issue des élections crédibles, démocratiques et apaisées ;
  2. Recadrage des priorités électorales en gardant le cap de 2016 quant à l’élection du Président de la République et celle des députés nationaux ;
  3. La mise à jour du fichier électoral, par une nouvelle opération d’identification et d’enrôlement des électeurs, est une nécessité impérieuse pour procéder à des estimations crédibles du quotient électoral et du nombre des sièges à pouvoir. Une production d’une nouvelle carte d’électeur aux formes différentes est également indiquée pour remplacer l’ancienne trafiquée ;
  4. Présentation par le gouvernement du plan de décaissement chiffré du budget lié au processus électoral devant la représentation nationale ; en accordant la possibilité aux partenaires étrangers d’accompagner le processus électoral comme en 2006 et 2011 ;
  5. La restructuration de l’équipe dirigeante de la CENI en remplaçant son président malade par un autre acteur de la société civile compétent et intègre. Personne n’étant  indispensable dans la vie de la nation ;
  6. Libération des prisonniers politiques et d’opinions en détention arbitraire ainsi qu’une remise de peines pour ceux qui ont été formellement condamnés ;
  7. La garantie des libertés des organes de presse durant toute la période électorale et l’accès égalitaire des candidats à la chaîne nationale, la RTNC ;
  8. La garantie de respect strict de toutes les autres libertés définies dans la Constitution du 18 février 2006 ;
  9. La garantie d’impartialité de l’armée et de la police ainsi que des différentes officines de sécurité avant, pendant et après les élections ;
  10. La désignation de l’Union Africaine en tant qu’institution garante des engagements politiques cruciaux qui résulteront de ce dialogue entre la partie gouvernementale et l’opposition citoyenne. Cette responsabilité diplomatique des pairs africains pourrait dans une certaine mesure dissuader les esprits malveillants qui  chercheraient à contourner ou à se passer des engagements pris.

Pour le Bureau politique de l’ABAKO

Honorable Pierre Anatole Matusila

Président Général