Après l’examen et l’adoption de la Loi des finances pour l’exercice 2016 en début de la semaine, la chambre basse consacrera sans doute le reste de cette session budgétaire au contrôle parlementaire. Pour la seule plénière d’hier jeudi 26 novembre 2015, quatre membres du gouvernement étaient attendus à l’hémicycle à savoir le Vice-premier ministre en charge de l’Intérieur et sécurité, le Ministre de la Santé, le ministre des Hydrocarbures et celui de l’Environnement.
A tout seigneur tout honneur, le Vice-premier ministre Evariste Boshab était le premier à répondre à la question orale avec débat initiée, par le député national clément Kanku sur la nomination des commissaires spéciaux et leurs adjoints pour administrer les nouvelles provinces.
Ce député de l’opposition note à travers ces nominations que ‘les commissaires spéciaux ne répondront pas de leur gestion après des assemblées provinciales, ce qui pour conséquence le non fonctionnement de ces assemblées telle que le stipule la Constitution dans son article 197. Cet article stipule que” L’assemblée provinciale est l’organe délibérant de la province. Elle délibère dans le domaine des compétences réservées à la province et contrôle le Gouvernement provincial ainsi que les services publics et provinciaux et locaux … »
En outre, Clément Kanku fait remarquer que la nomination des commissaires spéciaux viole l’article 198 qui veut que les gouverneurs des pro vinces soient élus au second degré.” Le Gouverneur et le Vice-gouverneur sont élus pour un mandat de cinq ans par les députés provinciaux au sein ou en dehors de l’assemblée provinciale “, lit-on à l’article 198 alinéa 2.
Dans sa réponse, le Vice-premier ministre de l’Intérieur et sécurité est pratiquement revenu sur l’argumentaire développé dans les ordonnances présidentielles portant nomination des commissaires spéciaux et leurs adjoints. Il confirme que les commissaires spéciaux rendront compte de leur gestion devant les assemblées provinciales mais ne pourront pas être visés par des motions de censure.
La nomination de ces commissaires se fonde sur l’Arrêt n° R.Const. 0089/2015 de la Cour Constitutionnelle rendu le 08septembre2015 sur requête du 29juillet2015 de la Commission Electorale Nationale indépendante, enjoignant au Gouvernement de prendre des dispositions transitoires exceptionnelles.
Il fallait à tout prix trouver un mécanisme pour gérer les risques d’affaiblissement de l’autorité de l’Etat pour défaut de continuité du fonctionnement des pouvoirs publics et de représentation de l’Etat, en raison de la carence de Gouverneurs et Vice- gouverneurs dans les nouvelles provinces, consécutive à un cas de force majeure y rendant impossible l’organisation, dans les délais légaux, par la Commission Electorale Nationale Indépendante, des élections des Gouverneurs et des Vice-gouverneurs.
La nomination des commissaires spéciaux a donc été dictée par la nécessité de maintenir le fonctionnement régulier des pouvoirs publics sur l’ensemble de la République Démocratique du Congo, spécialement dans les nouvelles provinces.
Et en attendant l’élection des Gouverneurs et Vice-gouverneurs de nouvelles provinces, les commissaires spéciaux sont chargés de faire régner l’ordre public, la sécurité et assurer la régularité ainsi que la continuité des services publics dans les nouvelles provinces.
Ces mesures exceptionnelles cesseront leurs effets de plein droit à l’investiture des Gouverneurs et Vice- gouverneurs élus de nouvelles Provinces conformément à l’article 168 n°06/ 006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales, telle que modifiée par la Loi n°11/003 du 25 juin 2011 et par celle n°15/001 du 15 février2015, explique l’Ordonnance présidentielle.
La plénière divisée
Comme il fallait s’y attendre, l’argumentaire d’Evariste Boshab a soulevé un tollé au sein de l’hémicycle.
Au départ, la plupart d’intervenants prenaient la parole pour charger le Vice-premier d’avoir induit le Chef de l’Etat en erreur et condamner ces nominations qui, somme toute, consacrent un retour au mobutisme. Mais il s’est dégagé ensuite deux tendances.
D’une part l’opposition qui ralliait la position émise par les évêques de Kinshasa, et selon laquelle cette nomination est un recul pour la démocratie car la constitution a été violée intentionnellement et que la gestion des provinces est confiée à des roitelets qui n’auront des comptes à rendre à personne, ni au souverain primaire ni à ses représentants élus au niveau provincial.
D’autre part, les élus de la majorité qui soutenaient que l’assemblée nationale contrôle l’action du Gouvernement et non du Président de la République, et en plus la Constitution dispose à son article 168 que “ les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours et sont immédiatement exécutoires. Ils sont obligatoires et s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives, juridictionnelles, civiles et militaires ainsi qu’aux particuliers”. Or le même article 168 stipule à son alinéa 2 que “ Tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit ».
Pour le député Bokonda, président de la Commission PAJ, l’assemblée nationale n’a pas la compétence de statuer sur une ordonnance présidentielle, ni sur un arrêt de la Cour constitutionnel, conformément à la loi. En effet, il a qualifié le débat vide de sens.
Le débat stoppé par une motion de procédure
Après lui, une motion de procédure est tombée dans le camp de la majorité. Elle visait l’interruption du débat à ce stade car tout était déjà dit et qu’il fallait laisser le temps au Vice- premier ministre de répondre. Conformément à la procédure en la matière, la motion a été soumise aux voix pour départager ses défenseurs et ses pourfendeurs. La majorité l’a emporté sur l’opposition restée sur sa soif de poursuivre l’attaque contre Evariste Boshab. Il faudra attendre 48 heures pour voir ce dernier retourner à la chambre basse pour répondre aux préoccupations de la représentation nationale. Par ailleurs, le ministre de la Santé a répondu à la question d’actualité de l’honorable Mbukani Dieudonné sur l’épidémie de choléra qui a sévi dans la ville de Kindu.
Etaient attendus également par les députés, le ministre des Hydrocarbures pour répondre à la question d’actualité du député Kisito Mushizi sur le gaz méthane du lac Kivu et la signature d’un accord renouvelé pour la surveillance, de ce gaz avec le Rwanda. Nous y reviendrons.
Par LRP