Il est un malaise général de constater que la République Démocratique du Congo (RDC), comme bien d’autres pays d’Afrique, peine dans sa jeune démocratie, à organiser dans les délais constitutionnels les élections dites libres, démocratiques et transparentes.
Et pour causes : la pénurie des moyens financiers, le déficit de la transparence elle-même dans l’organisation, le manque de bonne volonté dans le pouvoir exécutif, le doute sur l’indépendance réelle des organes établis à cette fin, et, de la part du peuple, le manque de confiance dans les institutions de la République, etc.
C’est en pensant à tout ceci qu’il nous est venue l’idée de mettre par écrit les deux paragraphes ci-dessous pour réfléchir avec le compatriote sur l’état de la démocratie en général en RDC et le modèle d’élections qu’il faut pour ce pays.
Le présupposé de cette réflexion est que si on a des peines à organiser les élections, s’il y a mille voix autour de leur lieu, c’est d’abord parce que la démocratie dans son ensemble est en panne.
1. La démocratie congolaise en un mot
S’il faut parler de la démocratie au Congo en un mot, je dirai qu’elle est encore au niveau de sa tendre enfance, sinon à l’étape d’enfantement. Je dirai que la démocratie au Congo est encore au niveau de la seule (bonne) volonté, elle est encore à faire. Pourquoi ?
La démocratie n’est pas seulement un système politique, je dirai même ironiquement, un système électoral. Elle est plutôt une culture de vie qui se rencontre jusque dans les familles et dans les écoles, au magasin comme dans l’avion, etc.
Les civilisations qui ont atteint aujourd’hui le niveau le plus avancé de ce système n’y sont pas arrivées par miracle, elles ont traversé des étapes horribles et peut-être les plus dures de leur histoire avant d’atteindre le sommet le plus imminent.
On peut penser aux guerres de tout genre, aux monarchies et leurs abus, aux dictatures, génocides et bien d’autres mots, qui ont poussé lesdites grandes nations, à travers leurs dures histoires, à penser à ce qu’elles ont appelé « démocratie ».
La démocratie n’est donc pas le fruit d’une génération spontanée, mais une expérience de vie. Tandis que dans le cas du Congo et de l’Afrique en général, la démocratie n’est pas issue du murissement de l’histoire mais de l’importation ou mieux de l’imposition des cultures d’outre-mer !
Pour s’intégrer elle doit faire face à des résistances culturelles et sociales. Mais, en plus elle doit se faire adopter par la grande masse d’analphabètes et d’intellectuels tarés qui peuplent le pays; le tribalisme, la pauvreté ou la misère dans laquelle sont plongés les milliers des congolais, les pesanteurs métaphysiques et logiques et même coloniales.
Je ne sais pas s’il faut noter pour ces dernières(coloniales) que le Congo, considéré jadis comme « savane » internationale des Nations, a été colonisé par la Belgique, un pauvre petit pays d’Europe actuellement sans aucun poids politique ni économique sur le plan international, sans démocratie réelle ni force militaire. Faut-il rappeler le « tel père tel fils » du langage commun !
Devant ces opacités et vicissitudes qu’on n’aille pas imaginer qu’il suffit de décréter un pays Démocratique pour qu’il le devienne effectivement. La démocratie il faut la faire.
La tâche-clef je la confie aux intellectuels, aux vrais intellectuels. Si la démocratie est à faire il faut arrêter de nous lamenter devant la maison qui brûle sans appeler les pompiers ni acquérir les extincteurs.
Les intellectuels devront progressivement concevoir les leçons d’éducation à la citoyenneté, concevoir les reformes des programmes d’éducation civique pour les écoles, donner le modèle d’élections dans les marchés, concevoir un type de démocratie qu’il faut pour le Congo et pour l’Afrique, en vue d’une démocratie au standard « planétaire » mais authentiquement congolais.
Sans cette perspective, la démocratie se réservera toujours aux élections fantaisistes et honteuses, elle sera l’apanage des diplômés clochardisés, le reste de la population se contentant des danses et des chants aux accueils des candidats députés et autres en vue d’une rémunération de misère comme un morceau de savon. Qu’on n’ait pas honte de se le dire, il faut éventrer le boa.
Parce que je me réserve d’entrer dans les détails, je voudrais frôler la note en insinuant peut-être avec raison que la démocratie n’aura pas effectivement lieu au Congo tant que tout continuera à se décider à Kinshasa comme si la capitale était à elle seule l’immense Congo.
Dans un pays où les provinces et les communes n’existent que de nom, sans pouvoir réel, les villages sont ignorés de l’administration centrale de la province, il y a trop peu à espérer. Il faut donc attendre l’avènement de la décentralisation effective (qui ne se résume pas dans le démembrement des 11 provinces) pour rapprocher concrètement l’administré de l’administrateur, faire de chaque coin du Congo « la capitale » du pays, alors la question de la responsabilisation du congolais commencera à se faire résoudre et la démocratie croîtra de paire avec elle.
Enfin, asseoir la démocratie, aussi bien intellectuellement que matériellement c’est nous éviter la question du genre troisième mandat ou non d’un président de la République sortant.
Question qui ne se poserait jamais à propos d’un président des Etats-Unis d’Amérique ou de France pour ne citer que ceux-là, la réponse étant toujours déjà trouvable dans la loi fondamentale du pays. Partira ou ne partira pas est toujours la question du moment en RDC, question de peur, de procès d’intention ou de doute de positionnement, quelle qu’en soit la nature, elle sert de lanterne aux vrais intellectuels pour lire dans l’imaginaire collectif d’un peuple.
Attention : là où les personnes sont plus fortes que les lois il n’y a plus de République mais la jungle où l’instinct des plus armés triomphe.
Voilà pourquoi, quelqu’un peut toujours être sure de se faire « réélire » chaque 5 ans jusqu’à la mort même si la majorité d’électeurs n’est pas de son côté.
2. Elections toujours !
Il est sujet à beaucoup de questions, le calendrier d’élections proposé par la Commission électorale national indépendante (Ceni) pour le cycle électoral prochain. Depuis 2006 jusqu’à ces jours le Congo n’a connu que les élections présidentielles et parlementaires, avec un mandat de 5 ans interminables pour les provinciales et les sénatoriales.
Il n’y a pas longtemps, sous un ciel nuageux, la Ceni a programmé comme dans un testament de défunt, toutes les élections prévues dans la Constitution, se souciant en même temps de la somme monstrueuse des dollars que cela exige.
Et l’on s’est demandé, dans le rang des politiciens comme dans celui des citoyens, l’urgence d’un tel travail.
Nombreux sont ceux qui proposent avec dignité d’accorder la priorité aux élections à dimensions nationales et provinciales, remettant à plus tard celles qui n’ont jamais été réalisées jusqu’à ce jour sans que la Constitution n’en souffre, sans que la Ceni s’en trouve inquiétée ni par elle-même ni par la classe politique.
Nous voudrions, dans cette optique sans entrer dans les débats politiciens, proposer un modèle d’organisation des élections pour aujourd’hui et pour le futur, une organisation qui n’étoufferait ni la population ni le budget, mais qui fournirait à la Ceni l’assouplissement de sa pratique : « élections alternées à mi-mandat », c’est-à-dire chaque deux ans et demie.
Nous disons qu’au lieu d’un seul cycle électoral trop lourd, nous le diviserions en deux : la présidence et les législatives (nationale et provinciale) et sénatoriales au premier moment, et au second se trouveraient les restes, municipales, locales et territoriales. En divisant aussi la durée de la législature en deux, nous aurons 2 ans et 6 mois entre l’organisation d’un cycle électoral et celle de l’autre. Disons davantage.
Vues le difficultés logistiques et budgétaires que rencontre l’organe organisateur des élections, difficultés liées à l’immensité du pays et au manque des moyens modernes de communication et de bureau, la Ceni se mettrait au travail chaque année sans interruption, pour faire élire les institutions et pour produire des résultats plus sains que ceux d’aujourd’hui.
Il n’est pas concevable qu’un pays comme la RDC organise toutes les élections à tous les niveaux dans l’espace de 365 jours avec un budget en milliards des dollars.
Chimère, fantaisie ou illusion, sinon distraction ! Qui a dit que toutes les élections doivent être ainsi compactées dans le temps ?
Pour un mandat de 5 ans magiques il est abordable d’organiser les élections présidentielles et parlementaires deux ans et demie avant les élections municipales, territoriales et locales.
L’organisation de deux cycles électoraux dans l’alternance chaque deux ans et demie présenterait quelques avantages :
- L’allègement du budget et la mobilisation des recettes de financement des élections. En consacrant plus de temps à la préparation, deux ans et demie donc, il est possible d’organiser la récolte des fonds nécessaires et bien plus, avec des dates fixées d’avance il est certain de réutiliser certains matériels, éviter le gaspillage et le détournement des biens. « Gouverner c’est prévoir ».
Nous sortirons de ce cycle des ministres qui aiment à dire sans honte mais avec arrogance: « Moi, je m’occupe d’aujourd’hui. Je ne peux pas deviner ou prédire ce qui doit venir dans deux ans ».
- Sur le plan de la démocratie elle-même les institutions seront évaluées par la base, non pas après un mandat de 5 ans mais chaque deux ans et demie.
Expliquons. Pour faire voter ses candidats députés ou président par exemple, chaque parti comptera sur ses bourgmestres et conseillers communaux et urbains en fonction ; si ces derniers ont convaincu la base par la qualité de leur travail, ils la convaincront encore en faisant voter leur majorité à la Nation ou en provinces.
Comment un Président de la République battra campagne pour les conseillers urbains de son obédience sans se vanter des résultats de son travail de deux ans et demi. En élisant d’autres institutions le pays aura ainsi l’avantage d’organiser en même temps et à la même échéance un test de confiance pour le pouvoir en place.
- Sur le plan administratif on fera expérience de bonne démocratie et de respect mutuel entre institutions du sommet et celles de la base : si le pouvoir émane du peuple on ne fera plus expérience de ces députés ou ministres indisciplinés qui se vantent de ce qu’ils sont en marchant sur les orteils des autres : en effet, un président de la République ou un député à tous les niveaux réserveront un minimum de considération aux dirigeants de la base en sachant que leur réélection en dépend. La collaboration entre camarades des partis sera donc de bon augure.
Pour conclure rapidement, disons qu’il n’y a aucune difficulté dans l’organisation des élections qui ne soit liée à l’insuffisance de bonne volonté des « gouvernants » à différents niveaux, si nous considérons que la compétence ne fait pas défaut.
Je ne pense d’ailleurs pas avoir dit quelque chose de neuf dans ce texte sinon d’avoir ajouté une voix claire et neutre à celles qui foisonnent dans les ondes du pays.
S’il y a ce qui manque dans les rangs des « grands » c’est peut-être le sens d’honneur, de noblesse, la grandeur d’inscrire son propre nom dans l’histoire de la Nation et dans les palmarès de la planète par l’amour d’un travail bien fait, dans l’abnégation et l’humilité. Rien n’est donc possible sans l’éthique.
Il faut revenir à dire qu’il faut des hommes à grande âme pour stabiliser la vie d’un pays. La politique est la forme la plus haute (visible) de la pratique de la charité, disait quelqu’un. Elle peut donc séduite tout le monde, mais nous n’avons aucune prétention de faire de la politique ni encore moins de la « méta -politique ».
Au Congo, la politique est galvaudée, elle devenue un marché commun des ratés et des chômeurs, là où chacun peut se taper le luxe un bon matin grâce au favoritisme, amitié et fraternité. Je suis convaincu que bon nombre y travaillent plus pour le ventre que par vocation, voilà pourquoi les esprits les plus délicats envoient leurs intelligences en vacances pour laisser place à la complaisance et au clientélisme.
Le voyage vers la démocratie ne peut qu’en porter les marques ! Cette politique ne me séduira jamais. Ma préoccupation était de mettre sur la place publique une idée qui m’est passée par les méninges en réfléchissant sur la situation du pays, en étudiant et en observant les façons de faire ces choses sous d’autres cieux.
Car, dans cette « République des inconscients » (ainsi titrait Mutinga Mutuishayi il y a quelques années) qu’est le Congo, ce n’est pas tout le monde qui a acilement voix au chapitre.
Merci de bien penser en profondeur ce que je n’ai fait que suggérer de façon sommaire, en toute modestie.
Vive le patriotisme ! Vive la démocratie ! Vive le Congo !
(*) Doctorand en philosophie à l'université de Latran à Rom Roma / Italia