En dépit de toutes les critiques négatives que suscite l’initiative de découpage des provinces tant au sein de la Majorité Présidentielle qu’en dehors des celle-ci, la famille politique du Chef de l’Etat maintient l’option du passage en force. Celle-ci a été réaffirmée haut et fort lors de la nième « messe » des affiliés de Joseph Kabila le dimanche 12 avril 2015 à Kingakati, dans la banlieue Est de Kinshasa.
Les « Faucons », que l’on dit avoir pris le dessus sur les « modérés » du G.7 (groupe composé du MSR, de l’ARC, du PDC, du MDD, de l’ACO, de l’Unafec et de l’Unadef) ont fait savoir que l’installation de quinze nouvelles provinces pour donner le total de 26 à la République devrait se faire, quelles que soient les contraintes politiques, financières, administratives, logistiques, sociales, culturelles et autres qui vont se présenter sur le terrain. Bref, le gouvernement congolais devrait faire face à la fois à la lourde facture d’organisation des élections générales de 2015-2016 ainsi qu’à celle de la mise en œuvre de nouvelles entités provinciales.
L’expérience malheureuse du passé
D’aucuns redoutent un découpage territorial suicidaire, à l’instar de celui tenté entre 1962 et 1966, on rappelle que sous le mandat du feu président Joseph Kasa-Vubu, le grand Congo avait atteint ce qui passait alors pour un chiffre record de 21 provinces. En raison du chaos politique, administratif, financier et socioculturel provoqué par pareille réforme, la tribalisation de la vie politique et sociale dans les nouvelles provinces avait fini par transformer le pays en jungle. Pour caricaturer la non-viabilité de nouvelles provinces, des acteurs politiques bien pensants n’avaient pas trouvé mieux que de parler de « provincettes ».
Vu l’incapacité des membres des gouvernements provinciaux et des assemblées provinciales de faire fonctionner leurs « républiquettes », des rébellions et sécessions étaient devenues le raccourci de tous les roitelets assoiffés du pouvoir.
Ainsi, pendant plusieurs années, au lieu de bâtir un Congo plus beau qu’avant, comme clamé dans l’hymne national sous forme de défi au règne colonial belge, les pères de l’indépendance et leurs sympathisants passaient leur temps à le tirer par le bas. Le nouvel Etat indépendant était devenu ainsi la risée du monde, au point de donner naissance à la « congolisation », la tristement célèbre expression synonyme de non-Etat, de marasme politique, de désordre administratif, de faillite financière, etc.
C’est à la suite des menaces d’implosion de la République que le général Mobutu, devenu nouveau maître du pays à compter du 24 novembre 1965, s’empressa de ramener le nombre de provinces (régions) de 21 à 9, plus la ville de Kinshasa. Cette nouvelle réforme politico-administrative eut le mérite, d’arrêter la dérive des provincettes et les ambitions démesurées de leurs « présidents », « ministres », « députés » dont certains faisaient la tournée de leurs « républiquettes » en tipoy et vélos, faute de moyens pour s’acheter des voitures.
Les Congolais ont-ils la, mémoire courte?
Les « provincettes » et « républiquettes » constituent une des pages sombres de l’histoire nationale. Les Congolais de 2015 ont-ils la mémoire si courte, au point de ne plus se rappeler les déboires d’une réforme politique et administrative qui avait terriblement bloqué les progrès financiers, économiques et industriels du pays ? Aujourd’hui encore, les survivants des guerres fratricides d’alors en parlent avec beaucoup de mélancolie, avec l’espoir que pareille gaffe ne se reproduira pas.
Aussi, c’est le lieu de prévenir les tenants de la mise en œuvre immédiate de nouvelles provinces qu’ils sont en train de jouer avec le feu. Des décideurs et analystes politiques ont eu à démontrer, à travers des réflexions d’une haute facture, que la RDC n’a pas, politiquement, administrativement et financièrement, les moyens de s’assumer comme Etat ‘éclaté en 26 provinces. De leur point de vue, le pays aurait dû commencer par rendre viables de 11 provinces actuellement existantes avant de prendre le risque, de les porter à 26.
Cela fait penser à la politique de l’autruche qui refuse de regarder le péril au devant duquel il est en train de courir. Sans ressources, le Bandundu, les deux Kasaï, le Katanga, l’Equateur et la Province Orientale sont pratiquement condamnés à partager leur pauvreté avec les nouvelles entités que tiennent à leur susciter les « Faucons » de la Majorité Présidentielle. Ce qu’il y a lieu de craindre le plus est que face à l’impossibilité de les faire fonctionner, leurs futurs « roitelets », à l’image de leurs aînés de l’aube de l’indépendance, tenteront de créer des conflits armés avec le pouvoir central ou des tenants d’autres provincettes, sous prétexte de vouloir récupérer une portion de terre par ci, un puits de minerais par là, une taxe douanière ou fiscale plus loin, etc.
Créer d’abord des richesses par la mise en valeur des ressources naturelles disponibles aux quatre coins de la République aurait dû être la préoccupation majeure de la classe politique congolaise. Une fois la voie de la prospérité clairement tracée pour tous; les esprits pourraient enfin se focaliser sur les projets de découpage territorial, à conduire avec méthode et prudence. Car, dans la précipitation actuelle, les frustrations à générer par l’échec plus que certain de l’avènement de nouvelles provinces pourraient hypothéquer le processus électoral en cours. Serait-ce l’objectif poursuivi par les architectes du découpage territorial immédiat?
La question que l’on devrait se poser est de savoir si les compatriotes du Congo profond cherchent à vivré mieux aujourd’hui qu’il a y quarante ans ou à être embarqués dans une nouvelle aventure de provincettes.
Par KIMP