S’il était demandé de résumer la situation politique actuelle de la RDC, on dirait qu’il se déroule un débat des sourds dans le pays. Le processus électoral est bloqué s’il n’a déjà pas déraillé, le découpage territorial démarre difficilement, le dialogue devient de plus en plus hypothétique, la CENI dynamitée, etc. Dans cette confusion, chaque protagoniste de la crise cherche à tirer la couverture de son côté, comme des montres froids. Le pays, lui, se meurt et la crise s’installe dans la durée.
L’actualité politique ne s’arrête pas en RDC. Les réactions sont aussi à la hauteur des actes posés par le pouvoir. Deux faits majeurs dominent l’actualité. D’une part, la nomination des Commissaires spéciaux et leurs adjoints à la tête de 21 nouvelles provinces et, de l’autre, la démission programmée et exigée des membres de la CENI dont la loyauté envers la Majorité Présidentielle est remise en doute. Le G7 a dénoncé, samedi 31 octobre, l’atomisation de la CENI par la Majorité Présidentielle. C’était en réaction au communiqué de la Majorité Présidentielle qui invitait, samedi, tous les membres de la CENI issus des partis membres du G7 à la démission. La Commission Africaine pour la Supervision des Elections (CASE) n’a pas mis longtemps à donner de la voix. Dans une déclaration, lundi 2 novembre 2015, la CASE s’inquiète des pressions exercées sur la CENI par les grandes tendances politiques du pays. « Les démissions imposées ou ordonnées par les composantes politiques viennent affaiblir le niveau d’indépendance de la Centrale électorale au point qu’elle s’en trouve gravement affectée. La démission confirmée du Vice-Président de la CENI en la personne de Monsieur André Mpungwe Songo, après celle décidée depuis son lit d’hôpital par Monsieur l’Abbé Apollinaire Muholongu Malumalu, plongent actuellement la CENI dans une profonde déconfiture avec le risque d’exposer le pays dans une crise politique et électorale dangereuse ».
Les recommandations de la CASE
La CASE formule des recommandations à la Majorité et à l’Opposition pour demander aux différents acteurs de prendre leurs responsabilités dans le choix des futurs animateurs de la CENI en remplacement des membres démissionnaires en tenant compte des critères prioritairement de compétence, de maitrise des questions électorales et de la préservation des acquis électoraux du pays. Les politiciens, toutes tendances confondues, sont appelés à définitivement s’entendre autour des priorités électorales du pays et de libérer la CENI de toute campagne de déséquilibre et de déstabilisation. La CASE, par ailleurs, propose à la Société civile congolaise l’organisation d’un forum de sauvetage du processus électoral en RDC, afin de barrer la route aux politiciens qui développent des plans macabres contre le processus électoral. Quant aux Confessions religieuses qui auraient oublié leur mission première, la CASE les invite à prodiguer des sages conseils aux acteurs politiques qui sont, du reste, leurs propres fidèles, afin que ceux-ci assument publiquement leurs actes en cette période difficile. S’agissant du Gouvernement, la CASE considère qu’il doit renforcer les mécanismes de mobilisation des ressources financières et de sécurisation du pays pour un processus électoral apaisé. Le Parlement a voté des lois dont la mise en application complique la tâche à la Nation. Il faut en tirer les conséquences. La CASE cite l’exemple de la loi organique de la CENI qui ouvre gravement la voie aux forces politiques avec le risque de bloquer la machine électorale. Partant, le Parlement devra voter, sans délai, la loi modifiant celle de 2004 portant sur l’identification et l’enrôlement des électeurs afin de permettre une rapide programmation de l’enrôlement de nouveaux majeurs et des Congolais de la Diaspora.
La Dynamique de l’Opposition s’énerve
La Dynamique de l’Opposition Congolaise a convoqué les journalistes, dimanche 1er novembre. Le modérateur de cette plateforme politique, le Député UNC Jean-Bertrand Ewanga n’a pas mis les gants lorsqu’il s’est agi de dénoncer l’avènement des Commissaires spéciaux et leurs adjoints. La Dynamique, a-t-il dit, ne reconnait pas l’existence et les pouvoirs inconstitutionnels de ces prétendus Commissaires spéciaux et appelle le peuple congolais à la désobéissance. Du 4 au 6 novembre, la Dynamique tient à Kinshasa sa première Convention à l’issue de laquelle, elle annoncera une série d’actions qu’elle va mener afin d’arracher le respect de la Constitution et sauver la République en même temps que l’ordre qui la fonde.
A tout dire, on s’achemine vers une confrontation entre les durs de la Majorité et ceux de l’Opposition.
La Pros.
Commission Africaine pour la Supervision des Elections
CASE
Déclaration d’Observation N°42 15
La Case met en alerte tous ses Observateurs par rapport à la vague de déstabilisation de la CENI
La Commission Africaine pour la Supervision des Elections (CASE) s’inquiète des derniers développements de la situation à la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) qui subit depuis quelques semaines, une vague de pressions politiques visant manifestement sa déstabilisation par les grandes tendances politiques de notre pays.
Les démissions imposées ou ordonnées par les composantes politiques viennent affaiblir le niveau d’indépendance de la Centrale électorale au point qu’elle s’en trouve gravement affectée. La démission confirmée du Vice-président de la CENI en la personne de Monsieur André Mpungwe Songo, après celle décidée depuis son lit d’hôpital par Monsieur l’Abbé Apollinaire Muholongu Malumalu, plongent actuellement la CENI dans une profonde déconfiture avec le risque d’exposer le pays dans une crise politique et électorale dangereuse.
Il en est de même de la lettre signée en date du 31 octobre 2015 par le Secrétariat Général de la Majorité Présidentielle dont les motivations visibles replongent le pays dans une nouvelle spirale de crise de confiance autour de l’Institution de Gestion des Elections en République Démocratique du Congo.
La CASE est vivement préoccupée par les menaces de plus en plus accrues sur les membres de la CENI et observe qu’aucune réaction de condamnation ne semble arrêter cette machine de déstabilisation du processus électoral. Raison pour laquelle, la CASE appelle tous ses membres répartis dans les 74 réseaux opérationnels de la Société Civile sur l’ensemble du territoire national à redoubler de vigilance et à renforcer leurs dispositifs d’observation autour des possibles dérives électorales, partout où ils se trouvent. Il est notamment demandé aux observateurs long terme de la CASE de bien veiller sur les attitudes, comportements, agissements et faits des acteurs politiques et de la Société Civile par rapport au processus électoral afin de mieux cerner les responsabilités des uns et des autres dans ce blocage quasi-consacré du processus électoral.
La CASE rappelle tous les acteurs en présence à l’ordre afin que cessent toutes les pratiques susceptibles de fragiliser la machine électorale et les invite à la sagesse dans la responsabilité qui leur incombe pour ne pas porter à eux seuls la responsabilité de la déstabilisation du pays.
Au regard de ce qui précède, la CASE recommande ce qui suit :
-A la classe politique congolaise (Majorité Présidentielle et Opposition Politique) de :
-Tirer les leçons de leurs agissements de ces derniers mois qui ne font qu’aggraver la situation politique du pays et exacerber les déchirements politiques en leurs seins ;
-Prendre leur responsabilité dans le choix des futurs animateurs de la CENI en remplacement des membres démissionnaires en tenant compte des critères prioritairement de compétence, de maîtrise des questions électorales et de préservation des acquis électoraux du pays ;
-Communiquer suffisamment de leurs actions à la population afin d’éviter tout déviationnisme au sein de la population ;
-S’entendre définitivement autour des priorités électorales du pays et de libérer la CENI de toute campagne de déséquilibre et de déstabilisation.
-A la Société Civile Congolaise de :
-S’assumer devant la nation et devant l’histoire en pesant de tout son poids afin de barrer la route aux politiciens qui développement des plans macabres contre le processus électoral ;
-S’assumer également dans le comportement à adopter en cette période de grave fragilité électorale ;
-Se concerter de toute urgence dans un forum de sauvetage du processus électoral afin de donner de la voix tous, ensemble, pour un recadrage électorale en RDC.
-Aux Confessions religieuses de :
-Prodiguer des sages conseils aux acteurs politiques qui sont du reste leurs propres fidèles, afin que ceux-ci assument publiquement leurs actes en cette période difficile ;
-Renforcer la cohésion inter-religieuse en promouvant la Commission d’Intégrité et Médiation Electorale (CIME) et en accordant leurs violons autour de la candidature en remplacement du Président de la CENI.
-Au Gouvernement de :
-De veiller au renforcement des mécanismes de mobilisation des ressources financières et de sécurisation du pays pour un processus électoral apaisé.
Au parlement de la République de :
-Tirer les conséquences des lois précédemment votées et dont la mise en application complique la tâche à la nation. Cas de la loi organique de la CENI qui ouvre gravement la voie aux forces politiques avec le risque de bloquer la machine électorale par ces derniers ;
-Accélérer la procédure d’entérinement du Président de la CENI pour permettre une stabilisation de la situation administrative de l’institution ;
-Voter sans délai la loi modifiant celle de 2004 portant sur l’identification et l’enrôlement des électeurs afin de permettre une rapide programmation de l’enrôlement des nouveaux majeurs et des compatriotes de la Diaspora.
Au Président de la République, Chef de l’Etat de :
-Convoquer immédiatement le Dialogue National afin de régler sans attendre la question relative à l’installation des nouveaux animateurs à la CENI et de baliser la voie à un processus électoral inclusif, global, crédible et apaisé.
A la communauté internationale de :
-Accompagner la RDC et la CENI dans cette étape de reconfiguration de la CENI et du dialogue.
Fait à Kinshasa, le 02 novembre 2015
Pour la Commission Africaine pour la Supervision des Elections (CASE)
SIMARO NGONGO MBAYO
Président