Attendu plusieurs fois, mais chaque fois reporté à cause des incidents de procédure, saut changement de dernière minute, le verdict dans l’affaire opposant le procureur de la CPI à Jean-Pierre Bemba va probablement être prononcé le lundi 21 mars prochain à la Cour Pénale Internationale de la Haye aux Pays-Bas. C’est la chambre de première instance III qui a rendu publique hier cette information. Le monde retient son souffle, notamment les Congolais et particulièrement les partisans de cet ancien Vice-président de la République sous le système de 1+4 dont l’arrestation a fait couler pas mal d’encre et de salive. Jean-Pierre Bemba est un homme sui ne passe pas inaperçu.
Tout d’abord, de par sa famille biologique qui a représenté pendant de longues années sous le régime du MPR-parti Etat l’une des plus grosses fortunes de la République. Ensuite, sans jamais occuper de hautes fonctions des responsabilités dans le sérail politique de l’époque, à part quelques mois passés au cabinet de l’ancien président Mobutu en qualité de conseiller économique, il a surpris l’opinion en lançant en 1998 le Mouvement de Libération du Congo, un mouvement politico-militaire, juste après celui piloté par Kigali, à savoir le Rassemblement Congolais pour la Démocratie ou RCD. En choisissant, comme parrain l’Ouganda de Yowéri Museveni, il avait occupé sans trop d’effort les 9/10ème de la province de l’Equateur et en érigeant son siège politico-administratif à Gemena, lieu de naissance de son géniteur et où étaient concentrées la plupart des exploitations industrielles et agro-pastorales de la famille.
Jean-Pierre Bemba a toujours été considéré comme un fils à papa, du fait qu’après ce petit passage au cabinet du chef de l’Etat de l’époque, il fut récupéré par son géniteur pour diriger certaines sociétés commerciales de la famille, dont entre autres la société des télécommunications cellulaires COMCELL ainsi que la compagnie des transports aériens SCIBE-Zaïre.
Intervention des troupes du MLC à Bangui
Lorsqu’une rébellion éclata en 2002 en République Centrafricaine sous la férule du général François Bozize, le chef de l’Etat de l’époque, Ange-Félix Patassé fit appel à celui qu’il appelait « Mon Fils », savoir Jean-Pierre Bemba. Ce dernier n’hésita pas à envoyer un corps expéditionnaire composé de trois bataillons dirigé par le colonel Mustapha, un sujet dit « munyamulenge » qui avait fait ses preuves pendant la guerre du FPR au Rwanda. D’où le qualificatif des « banyamulenge » collé à ces éléments par les habitants de Bangui et ses environs. Après avoir repris le contrôle de la capitale et ses environs, les troupes du MLC rentrèrent au bercail non sans avoir laissé des souvenirs très désagréables au sein des populations locales. Notamment des viols massifs, des exécutions sommaires, des pillages des biens, de déplacements massifs des populations. Des éléments qui ont été abondement exploités par des ONG de défense des droits de l’homme dont, entre autres la Fédération Internationale des Droits de l’homme et qui vont enrichir plus tard les dossiers des plaintes judiciaires déposés auprès de la Cour Pénale Internationale. Voilà d’où sont venus les malheurs de notre compatriote Jean-Pierre Bemba.
Arrestation et transfert à La Haye
Le président national du MLC prit une part active aux négociations politiques inter congolaises de Sun City jusqu’à élire domicile provisoire à l’Hôtel « les Cascades » où étaient logés les principaux chefs des délégations des différents mouvements rebelles et ceux du gouvernement central. C’est d’ailleurs Là où ont été signés les fameux accords portant ce nom et qui ne durèrent que l’espace d’un matin. Du fait de l’absence de ce que l’on appela l’Alliance pour la Sauvegarde du Dialogue composée de l’UDPS et du RCD pro-Kigali.
C’est à Bruxelles en 2008 que le leader du MLC qui venait d’être battu au deuxième tour par Joseph Kabila fut appréhendé vers 21 heures à sa résidence privée de Rhode-Saint-Genèse au moment où il se préparait à se rendre dans un restaurant huppé pour dîner en compagnie de sa famille, dont son défunt père de passage dans cette ville qu’il a toujours chérie. Il fut ensuite transféré à la Haye où il fut incarcéré à la suite, d’un mandat d’arrêt international lancée à sa charge par le procureur Luis Ocampo Moreno sur la base des plaintes formulées par la FIDH, l’ONG de défense des droits de l’homme ainsi que le gouvernement centrafricain dirigé par l’ancien rebelle François Bozize qui avait renversé feu Ange-Félix Patassé en 2003.
Incidents de procédure
Outre le fait que l’arrestation de Jean-Pierre à Bruxelles a été opérée à une heure très tardive de la nuit, il y a lieu de signale de nombreuses requalifications des faits réclamées par les juges de la chambre préliminaire. Du fait de l’absence d’éléments des preuves palpables dans le dossier de l’accusation préparé par le bureau du procureur Moreno. A relever aussi que lors de son arrestation, le procureur ne disposait d’aucun dossier des preuves, ont toujours signalé les avocats de la défense.
Un autre incident de procédure qui a perturbé ce procès aux multiples rebondissements, c’est l’affaire de subornation des témoins qui a surgi en 2014 et qui a été émaillé par des arrestations de certains avocats de la défense et partisans, dont entre autres, Me Aimé Kilolo, son assistant Mangenda et le député national du MLC Fidèle Babala, ancien directeur de cabinet de Jean-Pierre Bemba à l’époque où il exerçait les fonctions de vice président de la République sous le système de 1+4.
Toujours selon ce communiqué de la chambre préliminaire III, tout accusé peut être acquitté ou condamné et l’accusation devra prouver la culpabilité de l’accusé. De même, la chambre de première instance III ne peut condamner l’accusé que si elle est convaincue que les charges retenues contre lui ont été prouvées, au-delà de tout doute raisonnable.
Cette chambre de première ‘instance III est composée des trois juges, dont Mme la jupe Sylvia Steiner du Brésil, Mme Joyce Aluoch du Kenya jouant le rôle de juge présidente et Mme Kuniko Ozaki du Japon. Les deux parties au procès ont le droit d’interjeter appel devant la chambre d’appel de la Cour Pénale Internationale. On rappelle que le président du MLC a été arrêté en 2007, mais son procès ne s’est ouvert que le 22 novembre 2010 et la phase de présentation des éléments de preuve ne s’est conclue que le 7 avril 2014. Il est poursuivi de deux chefs des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre en qualité de chef de guerre.
Jurisprudence de la CPI
La CPI dispose d’une jurisprudence récente, notamment dans l’affaire opposant le même procureur Moreno contre Matthieu Ngudjolo. Quoique chef de guerre en Ituri, ce dernier fut acquitté il y a un an du fait que ses avocats ont apporté devant la chambre de première instance des éléments de preuve établissant’ que l’incriminé n’a jamais été présent sur les lieux dès crimes de guerre. Il se trouvait dans un centre de santé où en sa qualité d’infirmier, il assistait aux accouchements des femmes. Devant la chambre d’appel interjeté par le procureur Moreno, ses avocats ont déposé une correspondance officielle. émanant du cabinet du chef d’Etat Major Général Intégré donnant des instructions au chef d’Etat major général des FARDC de lancer des opérations de ratissage dans certaines localités dont celles où se sont effectués des massacres attribués à tort à l’inculpé Matthieu Ngudjolo.
Par F.M.