Affaire Chebeya : Le colonel Daniel Mukalay enfoncé par son ancien chauffeur

Vendredi 17 juillet 2015 - 11:10

Kalala Kalao fait des déclarations d’une gravité extrême en chargeant cet officier supérieur de la Police

Le procès en appel de deux défenseurs des droits de l’homme, membres de l’Ongdh » La Voix des Sans Voix pour les Droits de l’homme » (VSV),Floribert Chebeya et Fidèle BazanaEdadi se déroule chaque lundi et Jeudi devant la Haute Cour Militaire(HCM) qui se siège en chambre foraine à la prison centrale de Makala, dans la Commune de Selembao à Kinshasa.

Au cours de l’audience publique d’hier jeudi 16 juillet 2015, la HCM a entendu et confronté les renseignants dont KalaoKalala, ancien chauffeur de la femme et des enfants du colonel Daniel Mukalay.

Comme lors de la précédenteaudience, KalalaKalao a fait des déclarations d’une gravité extrême en enfonçant son ancien patron.

Il déclaré que la femme de Daniel Mukalay lui avait donné les effets de Chebeya,un sac à main avec mention VSV et une camera dont il détient le trépied jusqu’à ce jour pour déposer dans la commune de Lembaà Yav Kot, major et secrétaire administratif à la Direction Générale des Services Spéciaux de la Police(DGSS). KalalaKalao a été confronté à Yav Kot,mais ce dernier a tout nié.

Ce qui pousse les avocats des parties civiles dont Me Richard Bondo de déplorer la stratégie adoptée par la défense, celle de nier tout.

Selon KalalaKalao, après le double assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana, les effets de l’ancien directeur de la VSV étaient gardés chez Mukalay au moment où ce dernier a eu des ennuis avec la justice dans cette affaire.

Du coté de la défense, Me Jean Marie Kitwanga regrette de voir qu’au cours de l’audience de ce jeudi, il y a eu contradiction au cours de la confrontation entre les renseignants.

Outre KalalaKalao, la Haute Cour Militaire a entendu le lieutenant-colonel NgoyMulongoy, le capitaine Michel Mwila, Blaise MandianguBuleri ,Agnace, commandant PCR/Mitendi, Kumanda, Commandant OPS/Mitendi, le majorYav Kot, Jacques Mpeti, domestique de la femme de Mukalay ainsi que Makenishi, chef du quartier Righini.

La prochaine audience aura lieu le lundi 20 juillet 2015 et sera consacrée, entre autres, aux questions techniques avec la présence à la barre du médecin légiste, le colonel Tchomba.

Contrairement aux audiences passées, il y a lieu de signaler que le ministère public qui, autrefois, se désolidarisait des parties civiles, compatit avec ces dernières en enfonçant les policiers accusés et leursrenseignants. Mais il a été constaté que chaque fois que les avocats des famillesChebeya et Bazana enfoncent John Numbi, le suspect n° 1 dans cette affaire, l’officier du ministère public, le colonel Lukulia est mal à l’aise.

A l’occasion des manifestations commémoratives marquant le cinquième anniversaire de l’assassinat de ces défenseurs des Droits de l’homme, les organisations de la société civile de défense et de promotion des droits de l’homme dont la VSV et le Renadhoc avaient organisé une manifestation gigantesque pour rendre hommage à ces braves combattants des droits de l’homme et de la démocratie. Dans les interventions, la thèse du crime d’Etat a été de plus en plusavancée.

Rappel des faits

Convoqué le 1er juin 2010 par le général John NumbiBanzaTambo, inspecteur général de la police nationale congolaise (IG/PNC)de l’époque, Floribert Chebeya avait été retrouvé sans vie le 2 juin 2010 au matin dans son véhicule, alors que le corps de Fidèle Bazana n’a jamais été retrouvé.

A l’issue d’un procès marqué par de nombreux incidents, la Cour militaire de Kinshasa reconnaît, le 23 juin 2011, la responsabilité civile de l’État congolais dans l’assassinat de Chebeya ainsi que dans l’enlèvement et la détention illégale de Bazana par plusieurs de ses agents et condamne 5 des 8 policiers accusés, dont 4 à la peine capitale et un à la prison à perpétuité.

Trois des condamnés à mort sont toujours en fuite, et trois policiers dont l’instruction avait pourtant révélé le rôle dans la disparition de Fidèle Bazana, ont été acquittés.

Le 7 mai 2013, la Haute cour militaire, saisie en tant que juridiction d’appel, se déclare incompétente pour instruire des questions procédurales et décide de saisir la Cour suprême de justice, qui fait office de Cour constitutionnelle, ce qui a suspendu de fait la procédure judiciaire d’appel.

Le 21 avril 2015, après près de deux ans d’interruption, le procès en appel a repris devant la Haute cour militaire.
En première instance comme actuellement en appel, aucune procédure judiciaire n’a jamais été engagée par les autorités congolaises pour instruire sur le rôle joué par le général John Numbi, qui a depuis été remplacé à la tête de la police nationale, malgré l’existence des preuves et le dépôt de plaintes nominatives par les familles des deux défenseurs.

Face à l’inaction de la justice congolaise, la FIDH et les familles des victimes ont décidé de déposer plainte avec constitution de partie civile, le 2 juin 2014, devant la justice sénégalaise sur la base de la loi sénégalaise dite de compétence extra territoriale du 12 février 2007 qui intègre en droit sénégalais la Convention des Nations unies contre la torture.

Selon cette disposition du Code pénal sénégalais, les tribunaux sénégalais peuvent juger toute personne suspectée de torture, si elle se trouve au Sénégal, même si la victime ou l’auteur du crime ne sont pas sénégalais et que le crime n’a pas été perpétré au Sénégal.

Cette plainte visait Paul Mwilambwe, l’un des responsables présumés dans l’affaire du double assassinat des défenseurs Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, qui avait trouvé refuge au Sénégal.

Le 26 août 2014, lajustice sénégalaise faisait suite à cette plainte en entendant, pour la première fois, les parties civiles, confirmant ainsi la plainte et ouvrant l’information judiciaire sur le double assassinat des défenseurs des droits humains, alors que l’affaire était bloquée en RDC.

Le 8 janvier 2015, Paul Mwilambwe, a été entendu par un juge d’instruction sénégalais avant d’être inculpé et placé sous contrôle judiciaire à Dakar.

Par Godé Kalonji Mukendi