Après avoir été écartés par le gouvernement du processus de modification de la loi n•11/009 du 9 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement, alors que l’article 9 de ladite loi demande que le public soit consulté, les acteurs non étatiques, société civile et le secteur privé, ont décidé de s’adresser à l’assemblée nationale, où ce projet de loi est déjà en étude à la commission Environnement, afin que le tir soit rectifié.
Lors d’une réunion tenue le lundi 5 décembre 2022 à Kinshasa, plusieurs organisations de la société civile du secteur environnemental et le secteur privé, ont rédigé un mémorandum à soumettre au bureau de la commission Environnement de l’assemblée nationale. Approuvant la démarche du gouvernement, ils la qualifient tout de même d’incomplète et non ouverte aux autres parties prenantes.
« Il faut d’abord préciser que nous sommes d’accord avec le principe d’une révision parce que la loi date de 2011 et l’accord de Paris de 2015. Donc il y a un certain nombre d’engagements que le pays a pris et qui n’avaient pas été intégrés dans notre loi sur l’environnement. On aurait dû avoir une loi climat mais malheureusement la constitution ne le permet pas. La brèche qu’on a c’est d’ouvrir la loi sur l’environnement à la modification. Mais nous nous sommes rendus compte qu’il y a des éléments qui manquaient dans le projet du gouvernement et qu’on aurait pu intégrer si jamais le gouvernement s’était montré ouvert », a expliqué Augustin Mpoyi, représentant du Réseau des organisations de la société civile pour l'économie verte en Afrique centrale (ROSCEVAC).
Et d’ajouter : « Nous avons proposé qu’on rationalise l’enquête publique de manière que le consentement préalable des personnes qui peuvent être affectées par le projet soit intégré, les compensations qui peuvent être consenties avec les communautés, y compris l’indemnisation et les modalités de conclusion, soient également intégrées dans les mécanismes de l’enquête. C’est une disposition très claire que nous avons insérée dans notre mémorandum. La deuxième proposition est de donner une base légale à l’Agence congolaise pour la transition énergétique et du développement durable (ACTEDD). Nous avons également proposé le renforcement de la protection pénale de l’environnement avec un accroissement du taux de peine. Nous avons enfin proposé de rationaliser le système de gestion de déchets pour qu’il soit abordé dans une perspective holistique et systémique ».
Pendant le débat, la partie sur la taxe carbone a suscité beaucoup de réactions. La majorité de participants a rejeté l’idée d’instituer cette taxe au motif que l’Etat a déjà sa part dans la clé de répartition du revenu issu de la vente du crédit carbone.
« Notre position est claire, nous les entrepreneurs qui travaillons dans le domaine de crédit carbone. On ne doit pas nous imposer la taxe carbone, cette idée est à supprimer. Déjà qu’il y a une clé de répartition lors de la vente du crédit carbone qui réserve une grande partie du bénéfice à l’Etat, une autre à la communauté locale ainsi qu’au porteur du projet. Comment voulez-vous qu’on impose une taxe sur la maigre partie que garde l’entrepreneur ? Imaginez-vous que cette taxe va s’imposer même aux concessions appartenant aux communautés locales. Soit on impose la taxe et on supprime la part du gouvernement dans le revenu du crédit carbone, soit on garde la part du gouvernement dans ce revenu mais sans introduire la taxe », a déclaré Gloire Kabembe, un des responsables de CERTI Congo, une société de certification de crédit carbone.
A en croire ces acteurs non étatiques du secteur environnemental, « la RDC n’est pas prête à instaurer cette taxe, car elle n’a pas les outils qui vont la rendre opérationnelle. Autant être prudent pour éviter demain l’arbitraire de l’administration ».
Le projet de loi défendu à l’assemblée nationale, le 3 novembre dernier, par la vice-première ministre de l’environnement et du développement durable, Eve Bazaiba, propose de conformer la loi congolaise à l’article 3 de l’accord de Paris qui demande aux Etats signataires de communiquer leurs efforts, à travers leurs CDN (contribution déterminée au niveau national) respectives afin de réaliser l'objectif climatique de cet accord de limiter le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°C, de préférence à 1,5°C, par rapport au niveau préindustriel.
Ce projet de loi propose également l’habilitation du marché de carbone à travers la mise en place de l’Autorité de régulation du marché de carbone et enfin la mise en place d’une procédure pour autoriser les transactions carbones de la RDC.
Bienfait Luganywa