« Nous garderons nos forêts, vous garderez vos dollars », c’est l’intitulé du rapport d’une enquête publié ce jeudi 29 septembre par sept organisations non gouvernementales, dont Greenpeace Afrique, Dynamique POLE et MJPE, sur l'avis et le consentement des communautés locales qui subiront « directement » les conséquences de l'exploitation pétrolière qui découlera de l'appel d'offres lancé par le gouvernement en juillet dernier.
Dans les provinces de l'Equateur, de la Tshuapa et du Haut-Lomami où des villages entiers, des forêts primaires et des cours d'eau sont enclavés dans les blocs pétroliers mis aux enchères par le gouvernement, les enquêteurs affirment y avoir échangé avec plusieurs couches de la population, notamment des chefs traditionnels et autres leaders locaux.
« Nous avons discuté avec des groupes de pression, des leaders locaux, des chefs de groupements et villages dans le territoire de Befale, de Basankusu et de Lukolela chevauchés par les blocs 4, 4b et 22. Ce sont des zones où il y a des tourbières et des zones protégées. Le constat partout où nous sommes passés est amer. Les communautés ne connaissent rien, elles n'ont jamais été informées que leurs terres, eaux et forêts feront désormais partie de blocs pétroliers. Donc, la quasi-totalité de communautés que nous avons rencontrées ne sont pas d'accord avec le gouvernement qui n'a pas voulu au préalable discuter avec elles et aussi n'a pas vérifié s'il y aura pas d'impacts négatifs », a déclaré le Dr Raoul Monsembula, membre de l'équipe qui a mené cette enquête.
Au cas où le gouvernement tient mordicus à aller jusqu'au bout de son projet, les populations qui vivent dans ces groupements et villages transformés en blocs pétroliers ne vont pas perdre seulement leurs terres, mais bien plus, c'est l'ensemble de leurs moyens de substance qui seront entamés. Pour faire face aux besoins du pays, ces organisations proposent au gouvernement d'exploiter d'autres ressources naturelles propres.
« La plupart de ces blocs pétroliers se trouvent sur les terres de communautés locales. Et ces communautés vivent de l'agriculture, de la pêche et de l'élevage. Si ces blocs sont exploités, c'est la vie de ces communautés qui sera complètement entamée comme c'est le cas à Moanda. On craint donc que les bénéfices qu'on nous présente de l'exploitation de ces blocs pétroliers soient des fausses illusions. Nous avons d'autres ressources énormes par exemple en agriculture ou le tourisme que pouvons exploiter. C'est des alternatives crédibles que nous pouvons explorer », a commenté Emmanuel Musuyu, membre de la Dynamique POLE.
CAFI, complice de la destruction de l'environnement en RDC
Selon ces organisations, des bailleurs de fonds comme CAFI (Initiative pour les forêts d'Afrique centrale) n'aident pas la RDC a protéger ses écosystèmes forestiers. Leurs représentants séjournent au pays plutôt pour se faire de l'argent.
« Au moment que la RDC s'apprête à organiser la réunion ministérielle de la Pré-COP 27, nous tenons à souligner que certains bailleurs de fonds, dont CAFI, sont complices dans cette affaire de la destruction de l'environnement du pays au travers ces blocs pétroliers. En novembre 2021 à Glasgow, la RDC et CAFI ont signé un accord obligeant les bailleurs de fonds de mobiliser 500 millions de dollars sur 5 ans pour protéger ces forêts. Dans cet accord, aucun article interdit la RDC de saccager ses forêts. Par contre, il prévoit non seulement la levée du moratoire sur les nouvelles concessions forestières institué depuis 20 ans, mais il donne également le feu vert à l'activité pétrolière et gazière dans tout le pays. Nous condamnons ça avec la dernière énergie », a déclaré Irène Wabiwa, chargée de campagne forestière pour Greenpeace Afrique.
Dans ce rapport, ces organisations ont conclu qu'«une bonne chose pour le bien de la population ne doit pas se faire en cachette. Le manque d’information sur les blocs pétroliers montre que ce projet est conçu pour des bénéficiaires bien placés et non au profit des populations ».
Elles ont ajouté en citant un notable de Lukolela, au bloc 22 nord, selon lequel « le gouvernement néglige son propre peuple. C’est comme si ces forêts étaient vides, qu’elles étaient sans villages, sans animaux(…). Ils ne devraient pas mettre de blocs dans les zones où nous vivons sans nous avoir informé au préalable ».
Bienfait Luganywa