Environnement : Les 9 péchés que Greenpeace Afrique reproche à Eve Bazaiba après un an gestion  

Jeudi 2 juin 2022 - 08:27
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C’est depuis le 26 avril dernier que le gouvernement du premier ministre Sama Lukonde a totalisé une année à la tête du pays. Pour permettre à chaque ministre de rendre compte du bilan de sa gestion au public, le ministre de la communication et médias, Patrick Muyaya, organise depuis quelques jours une émission dénommée "Redevabilité", diffusée à la RTNC. Le même 26 avril, c’était le tour de Eve Bazaiba, vice-premier ministre de l’environnement et de développement durable.

Pour réagir au bilan « reluisant » présenté par Eve Bazaiba, le consultant medias et communication de Greenpeace Afrique, Raphaël Mavambu, a publié une réflexion ce mercredi 1er juin dans laquelle il s’interroge : "Que devons-nous plutôt retenir comme bilan durant cette période du ministère de l’environnement et développement durable de Mme Eve Bazaiba ?"

Pour réponde à cette question, Raphaël Mavambu cite 9 actions qui reflèteraient la réalité du bilan de l’an 1 de Bazaiba, selon Greenpeace Afrique. 

Ci-dessous l’intégralité de ces 9 actions, tel que détaillées par le consultant média et communication de Greenpeace :
 
1.    Le plan de lever le moratoire sur les nouvelles concessions forestières ;
 
Le plan annoncé par la ministre Eve Bazaiba visant à lever l’interdiction de nouvelles concessions d’exploitation forestière dans la deuxième plus grande forêt tropicale du monde resterait une de ses plus grosses erreurs.
 
Le moratoire national, en vigueur depuis 2002 face au chaos généralisé dans l’industrie forestière, a été constamment violé. Sa levée permettrait cependant davantage une braderie massive du territoire national, mettrait en péril les communautés locales et exacerberait les crises climatiques et de biodiversité.
 
2.    Arrêté interministériel légalisant la chasse d’espèces protégées ;

Dans sa réaction du 6 août 2021, une année après la publication de l'arrêté ministériel du 24 juillet 2020 légalisant la chasse d'espèces totalement ou partiellement protégées, Madame la Vice-Premier ministre n’a jamais levé un seul doigt pour dénoncer ce “ permis de tuer ” et donne le feu vert à certaines espèces protégées de continuer d'être exterminées officiellement.

Selon l’arrêté, un gorille des montagnes est à tuer pour 1 925 dollars, l’abattage d’un bonobo — dont le séquençage ADN est identique à celui des humains à 99 % — vous coûtera 2 885 dollars.

« Il faut qu’on se le dise, Dieu nous a doté de ces richesses, pas pour les contempler mais pour en faire usage [...] » a déclaré Mme Eve Bazaiba.

Pour elle, les espèces qui doivent être interdites à l'abattage ne devront être que ceux qui sont en voie de disparition et n’a aucune notion de la protection et préservation des toutes les espèces à part entière. Et vive la biodiversité !

3.    Pollution des rivières Kasaï et Tshikapa:

Le ministère de l’environnement n’a rien fait en termes de rencontre des besoins de la population en ce qui concerne la pollution des rivières Kasaï et Tshikapa.

Le député national Guy Mafuta Kabongo a fustigé « la légèreté avec laquelle les autorités locales et nationales ont géré cette crise ». Il a dénoncé le rapport fait par l'équipe gouvernementale qui a été sur terrain.

« C’est un rapport qui n’a rien à voir avec la réalité sur terrain. Cette réalité sur terrain indique que le besoin primordial c’est l’eau. Parce que c’est l’eau qui a été empoisonnée. Malgré ce rapport, la population continue à consommer la même eau, les habitants prennent bain avec et les agriculteurs continuent à irriguer leurs champs avec la même eau » rapporte l'élu de Tshikapa.

Le pauvre peuple du Kasaï était pleinement abandonné à son propre sort, retenons-nous !

4.    Affaire “ Concessions Tradelink ” :
 
Au moment où la République Démocratique du Congo (RDC) tentait péniblement de démarrer un processus d’aménagement du territoire, le ministre de l’Environnement de l’époque Claude Nyamugabo a réglé illégalement le sort d’une forêt grande comme la moitié de la Belgique en attribuant six contrats de « concessions forestières de conservation » couvrant presque 1,4 millions d’ha à Tradelink SARL, une société congolaise dont l’un des actionnaires est Aleksandar Voukovitch, un expatrié belge qui a fait carrière dans les mines, le pétrole et le bois.

Rappelons que dans le rebondissement de cette affaire des concessions Tradelink , l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) confirme l’illégalité des contrats attribués par l’ancien ministre de l’Environnement Claude Nyamugabo. Après plusieurs alertes demandant d’annuler l’attribution illégale de ces concessions, le ministère de l’environnement actuel reste muet et n’a répondu à aucun recours administratif. Silence radio !

« Du côté du ministère de l’Environnement, c’est la politique de l’autruche », dit Irène Wabiwa Betoko, cheffe de la campagne forêt à Greenpeace Afrique. « Vu la gravité des faits, son silence est totalement incompréhensible ». 

A la veille de la COP26, celle qui « n’a pas de leçon à apprendre de la part d’une quelconque ONG » faisait tout pour promouvoir cette arnaque par un ordre de mission signé le 13 septembre dernier pour sept membres de son ministère d’accompagner une équipe de Tradelink dans la province de Tshopo. Sur l’itinéraire, sa propre circonscription électorale de Basoko occupe une place de choix.

En octobre 2021, après la décision du président de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, à la 24ème réunion du conseil des ministres, ordonnant Mme Bazaiba, de suspendre toute concession forestière “douteuse”, celle-ci agit avec très peu d’engagement. Elle tente de faire avaler à l’opinion que l’ordre portait uniquement surles concessions Tradelink. Et pourtant, il portait sur toutes les concessions illégales dénoncées par la société civile congolaise depuis des mois.

« Mme Eve Bazaiba n’a que faire de latransparence. Le service minimum qu’elle a fourni au dernier conseil des ministres en dit long sur son silence assourdissant depuis son arrivée au Ministère face aux demandes de la société civile d’annuler toutes les concessions illégales attribuées par son prédécesseur, M. Claude Nyamugabo » a declaré Serge Sabin Ngwato, chargé de campagne forêt à Greenpeace Afrique.

5.    Inaction contre la société “ Kongo Forest Based Solutions ” :

Plusieurs concessions forestières illégalement converties en concessions de conservation, réattribuées à la société Kongo Forest Based Solutions (KFBS), faux nez de la compagnie portugaise NorSudTimber, chevauchent une zone protégée et les terres ancestrales des peuples Bambuti, Bacwa et Batwa, et près d’un tiers de la superficie couvre des tourbières critiques pour le climat.

Après plusieurs dénonciations par la société civile et un exposé dans les médias internationaux , Mme la ministre n’a jamais entrepris aucune action contre ces irrégularités, affichant  sa “politique de l’autruche “ habituelle. 

6.    Inaction contre la société Kanaka Management Services Private Limited

Une coalition d’ONG congolaises et Rainforest Foundation UK a écrit à Mme Bazaiba  concernant les actions illégales de Kanaka Management Services Private Limited (KMS), une société  indienne qui est parvenue à escroquer des dizaines de communautés dans la province de l’Equateur afin qu’elles cèdent les droits carbone de leurs forêts communautaires pendant cent ans.

En 2018, la  société a obtenu du ministère de l’Environnement des certificats d’agrément pour 218 secteurs dans les provinces de l’Equateur, de la Tshuapa, de la Tshopo, du Maniema, du Sankuru et du Bas-Uélé couvrant un tiers du territoire congolais.

À notre connaissance, ces titres et certificats illégaux n’ont toujours pas été révoqués et cette même compagnie a été reçue avec tout honneur la semaine dernière par le Dircaba de la ministre pour une séance de travail, comme si de rien n'était.

7.    Le non-respect de l’accord CAFI-RDC à la COP26

Lors de la COP26, la RDC a signé un mega deal renouvelant l’accord signé en 2016 avec l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI), un groupe de pays donateurs mené par la Norvège. La RDC et ses bailleurs de fonds ne l’ont pas respecté.

Le tout premier « jalon politique » de l’accord est la publication avant fin 2021 d'un audit des concessions forestières exécuté par l’Inspection générale des finances (IGF) à la demande de l’ancien Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba en 2020. Et la RDC, pilotée par son ministère de l’environnement, ne l’avait pas publié dans le délai convenu.

8.    La tardive publication du rapport d’audit de l’Inspection Générale des Finances

Après une fuite dans les médias et la visite d’un ministre britannique en colère, Mme Eve Bazaiba ne pouvait plus ne pas publier lerapport d’audit de l’Inspection générale des finances (IGF) commandé en 2020 qui fustige le « laxisme coupable » du ministère de l’Environnement et le « chaos qui arrange » ses responsables.

La négligence de Mme Bazaiba – elle jure ne pas avoir vu le rapport d’audit de l’IGF avant février 2022 – est emblématique de celle dénoncée comme systémique par les auditeurs.

9.    Suspension d’un tiers des titres dénoncés par l’IGF

Mme Eve Bazaiba aurait annoncé avoir suspendu tous les contrats indexés par l’IGF, et pourtant l’acte du ministre n’est que partiel et reste incohérent.
 
En publiant un arrêté daté du 5 avril, elle n’a suspendu qu’un petit tiers des titres illégaux répertoriés par l’IGF.  C’est le service minimum au peuple congolais, possiblement pour calmer les bailleurs de fonds et préparer le terrain pour la levée du moratoire sur les nouvelles concessions forestières.
 
Comble de l’incohérence : deux semaines plus tard, elle délivre des permis de coupe pour deux des concessions suspendues! L’amitié Congo-Chine bat son plein…
 
 
Voilà en quelques lignes ce que nous retenons de ce bilan de l’an 1 de quelques actions menées par la Vice-Premier Ministre, ministre de l’environnement et développement durable, Mme Eve Bazaiba.
 
La redevabilité est l’un des principes clés d’ un Etat de droit et doit éclairer le peuple congolais sur la manière dont ses gouvernants gèrent la chose publique. Elle ne doit pas être une occasion pour nos dirigeants de maquiller leurs failles” déclare Irène Wabiwa Betoko, cheffe de la campagne forêt à Greenpeace Afrique. Elle ajoute : “Nous congolais attendons que les actions s'ensuivent. Il est grand temps que le Président de la République garantisse que le pays soit géré par les personnes compétentes et qui privilégient l'intérêt des congolais”.
 
 Il devrait avoir une affirmation que la Vice-Premier Ministre, une année après son investiture, est encore très loin d’avoir payé ses dettes à la nation congolaise et que cet exercice de redevabilité ne devrait en aucun cas  avoir eu lieu par rapport à sa mauvaise gestion de la gouvernance forestière congolaise.

 

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