L’essence même d’un Etat consiste à exercer sa souveraineté sur un territoire bien déterminé composé d’une population identifiée. L’identification de la population consiste à collecter les données personnelles des gens, tels que : le nom, le lieu et date de naissance, l’adresse, etc…. afin d’établir un fichier national ou un registre national.
En RDC, cette mission est confiée à l’Office National d’Identification de la Population (ONIP) par décret n° 011/48 du 3 décembre 2011. Avec l’évolution des nouvelles technologies de l’information et de communication ( NTIC), ce sont les données biométriques des personnes, càd, les caractéristiques physiques strictement propres à un individu ( ex : empreintes digitales, Iris, réseaux veineux, morphologie par la main,…) qui sont collectées pour l’établissement du fichier national.
Et lorsque le fichier national est constitué, chaque personne se voit attribuer un numéro d’identification ou un numéro de registre national. Cependant, il faut tout de suite souligner que le numéro de registre national ne concerne que les personnes physiques, car pour les personnes morales, elles sont généralement identifiées par un numéro d’entreprise, et celles-ci sont répertoriées dans une base des données qu’on peut qualifier de Banque carrefour des entreprises.
L’interconnexion ou l’interopérabilité de tous les services étatiques, la transmission des informations entre le registre national et les différents organismes sociaux, les institutions hospitalières, bancaires, assurances et autres, permettra aux autorités de maîtriser la démographie du pays ainsi que d’avoir une vue globale de la situation socio-économique du pays.
Il en va d’un état responsable d’identifier sa population et de lui attribuer une carte d’identité authentique. Cependant, à l’état actuel des choses en RDC, on note un déficit réel d’informations à tous les niveaux, parce que cette interopérabilité est inexistante, avec comme conséquence que les prévisions des autorités dans tel ou tel secteur ne reposent que des sur approximations.
Dans un souci de performance et de développement du pays, nous pensons que le point de départ doit être la matérialisation des opérations de recensement de la population avec comme point d’orgue, la délivrance de la carte d’identité nationale. Bien que le manque de moyens financiers soit posé comme principal obstacle au lancement des opérations recensement, les autorités peuvent activer plusieurs leviers pour trouver les 350 millions de dollars américains dont a besoin l’ONIP pour lancer les opérations, par exemple : conclure des partenariats, public- privé ( PPP) avec des partenaires fiables et sérieux, recourir à un financement participatif, etc…
Par ailleurs, il faut rappeler que la diaspora congolaise estimée à près de 10% de la population ne doit pas être oubliée dans ces opérations de recensement.
Pour le surplus, on ne peut pas parler d’un état moderne sans qu’il y ait processus de digitalisation de tous les services de l’état ainsi qu’une transition vers l’économie numérique.
La pandémie à la Covid-19 révèle un réel changement de paradigme économique dans le monde, car l’e-commerce, est devenu un soutien incontournable des activités économiques.
Sur ce point, la matérialisation du Plan National du Numérique-Horizon 2025 adopté en septembre 2019 en RDC doit être une priorité. En plus, si toutes les régies financières de la RDC sont contrôlées via un programme de gestion informatisé, fiable et sécurisé, ça permettrait d’empêcher des fuites de capitaux estimées à plusieurs milliards de dollars américains, et les caisses de l’Etat seront renflouées, et on n’aura plus besoin de recourir à l’aide extérieure pour équilibrer notre balance de paiement, et les services fiscaux qui auront accès aux données réelles des personnes (physiques ou morales) pourront être mis à contribution pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.
Enfin, quand on note que les 3 derniers cycles électoraux de la RDC ont englouti plus de 1 milliard de dollar américain et que des cartes d’électeurs ont été attribués aux personnes enrôlées, et que celles-ci font office de pièce d’identité, alors que pour le 1/3 de la même somme, on peut réaliser un vrai recensement avec la délivrance des cartes d’identité pour toute la population. Du fichier national ou général qui sera établi, on peut en tirer un fichier électoral.
Sur ce point, nous ne pouvons qu’encourager les autorités à recourir à l’expertise et aux infrastructures de la CENI qui a une lecture sociologique et géographique du pays non négligeable. Le lancement des opérations de recensement de la population doit être la priorité des priorités de l’action gouvernementale.
Tribune de Me Dieudonné Tshibuabua Mbuyi
Avocat aux Barreaux de Kinshasa-Gombe, Kananga et Bruxelles
Spécialiste en NTIC