Les bouleversements économiques n’acquièrent de légitimité que pour autant qu’ils servent à rectifier la trajectoire vers un horizon meilleur. Au beau milieu de l’urgence sanitaire décrétée par l’Organisation Mondiale de la Santé depuis le 30 janvier 2020, la crise économique engendrée par la pandémie du COVID-19 commence déjà à laisser transparaître l’esquisse de ses premières manifestations. En République Démocratique du Congo (RDC), sans surprise, l’inflation galopante et la dépréciation du Franc Congolais qui ont pris place sur le marché ces dernières semaines en constituent les premiers symptômes. Pour désamorcer la poudrière qui menace sa balance des paiements, la RDC a donc, comme bien d’autres Etats, ses regards rivés vers les institutions de Bretton Woods dont l’assistance est congénitalement liée à un contexte de crise financière. Cependant, pour le pays de Tshisekedi, il faut bien marteler que pareille assistance ne devrait pas s’octroyer sans conditions, en ce compris le préalable d’un ajustement de la structure gouvernementale.
En effet, il est un secret de polichinelle que l’économie congolaise reste très extravertie, dépendante d’une part, des revenues issus de l’exportation de ses matières premières et de l’autre, des produits de première nécessité qui proviennent pour l‘essentiel de l’étranger. Dans le contexte actuel d’une crise qui s’incruste au sein d’une société où le laxisme des dirigeants prend bien souvent le dessus sur la dextérité, il faudrait bien comprendre que les pratiques de bonne gouvernance deviennent des impératifs de survie non marchandables. Il s’agit ici pour les détenteurs de l’autorité politique d’anticiper à tout prix sur les effets adverses que pourraient avoir la chute des cours mondiaux et l’augmentation des prix à l’importation à court, moyen et même à long termes si la situation venait à perdurer. Au registe de ces anticipations, il convient d’inscrire la récente concertation entre le 1er Ministre et les Présidents de l’Assemblée Nationale et du Sénat sur la nécessité d’un collectif budgétaire pour l’exercice 2020 dont les prévisions sont désormais insoutenables. Non pas qu’il s’agisse d’un aveu d’impuissance, mais l’austérité budgétaire qui s’annonce est imparable. Elle impose de facto une réduction des dépenses publiques et par voie de conséquence, celle du train de vie des institutions politiques.
Comment dès lors pourrait-on reconcilier l’impératif d’un gouvernement de crise avec le fait qu’il soit aussi éléphantesque, étoffé de 65 membres dont la ligne de demarcation dans les attributions est à peine visible pour certains? Surtout, lorsque l’on tient à l’esprit que les dépassements budgétaires, devenues malheureusement des simples constats de routine dans la loi de reddition des comptes, sont en grande partie dus aux dépenses de fonctionnement, plus particulièrement celles de la Présidence, de la Primature et de certains ministères (42% sur l’ensemble des dépenses en 2018).
La réduction des dépenses publiques dans le contexte de la crise du COVID-19 ne saurait se contenter d’une simple réduction des émoluments et autres frais, elle exige davantage la suppression de certains ministères cosmétiques dont les attributions peuvent se recouper au sein d’autres ministères dans une configuration plus réduite du gouvernement. Simple illustration: a-t-on vraiment besoin d’un ministère de la Formation professionnelle, arts et métiers alors même que les ministères du Travail et ceux de l’Enseignement peuvent remplir ses attributions chacun pour sa part? Les affaires étrangères et la Coopération internationale peuvent être fusionnées de même que les Hydrocarbures et les Mines, l’Agriculture, la Pêche, l’Elévage et le Développement rural pout ne citer que ceux-là. Sur la longue liste à dresser, il ne faudra pas perdre de vue une “institution” devenue illégitime depuis les dernières élections, à savoir le Conseil national de suivi de l'Accord de la Saint Sylvestre (CNSA). La vie d’une nation ne se résume certainement pas aux frais de fonctionnement de l’Etat. Les prévisions du FMI tablent déjà sur une baisse du taux de croissance à - 2,2%. La survie de la nation autant que le spectre d’un éventuel suicide collectif dépendront du discernement qui surgira des prochaines décisions politiques. Si pour une fois on y met de la conscience, il n’y a pas de doute que l’affectation rationnelle des ressources aux seules dépenses qui soient économiquement utiles passe par une réduction de l’équipe gouvernementale. Les considérations politiciennes doivent ici céder la priorité à l’intérêt supérieur et au bien-être social de la population.
A bon entendeur peu de paroles!
Prof. Dr. Christian-jr KABANGE NKONGOLO
Faculté de droit/Université de Kinshasa