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Lettre ouverte au Président de la République au sujet de la relance de la MIBA Sa
Par Monsieur Jacques-Prosper Ngandu-Kayembe
Master of Sciences Université d’Arizona/USA
Ingénieur Civil Métallurgiste
Ancien Directeur de Cabinet de Mines et Hydrocarbures
Participant à l’élaboration du Code Minier de 2002
Ancien Administrateur de la MIBA et de la GECAMINES
Ancien Directeur Gécamines Exploitation.
Kinshasa le 6 mars 2020
Réf. : NgK/PR/mars 2020/01
Monsieur le Président,
(Avec l’expression de nos sentiments les plus déférents)
Concerne : Le contrat entre la MIBA Sa et A&M Development International.
Notre démarche est de trouver une solution juste et durable pour la MIBA Sa et non pour être gratuitement contre la proposition de son Conseil d’administration relative à sa relance. C’est la raison pour laquelle nous prenons le temps pour expliquer afin de clarifier nos propos dans l’objectif d’une meilleure compréhension du sujet, nous vous prions de nous en excuser.
Il est vrai et nécessaire de signaler que nous n’avons pas lu le protocole d’accord ou le contrat signés par les deux parties, nous avons lu les articles dans la presse, dans les réseaux sociaux et avons suivi les différentes vidéos réalisées par des experts dans le domaine et ceux qui ne les sont pas. Nous sommes conscients, qu’avec l’effort de transmission de l’information, il puisse y avoir le risque d’altération de la vérité. Cependant, nos commentaires peuvent être utiles parce ils soulèvent des questions de curiosité susceptibles de mieux réveiller les esprits sur le sujet. Notre formation universitaire, notre expérience et savoir-faire dans la profession nous permet à froid de vous éclairer.
Le domaine du droit des Sociétés a livré aux industries plusieurs mécanismes applicables dans un état de droit, pour résoudre les problèmes sociétaires. Malheureusement, la Miba Sa, son statut de Société d’Economie mixte avec comme partenaire l’Etat Congolais actionnaire, qui tantôt joue le rôle d’actionnaire, tantôt celui de l’Etat Pouvoir Public a joué à travers le temps, le rôle peu efficace pour la MIBA Sa que si celle-ci était tout simplement une société privée avec le souci premier du profit et de la rentabilité. Il est aussi fréquent de constater le non-respect des organes sociétaires par le Représentant de l’Etat actionnaire.
Il ne faut pas que notre lutte acharnée pour faire régner la justice sur chacun de nous, créer un état de droit, puisse demain rattraper nos malfaçons, commises pendant cette lutte glorieuse menée depuis hier jusqu’à ce jour, du droit pour tous : la roue existe et ne doit donc pas être réinventée.
Monsieur le Président,
Comme toute société commerciale, la Miba Sa a toujours fait face à deux problèmes essentiels et vitaux malheureusement et globalement mal gérés à savoir : le financement correct de son développement et la rentabilité économique de ses actifs. Pour le premier problème (Financement correct de son développement) celui-ci ayant été souvent mal défini et mal réalisé avait bien réussi à éroder le fonds de roulement de l’entreprise composés des fonds permanents dont le fonds propre, la garantie de solvabilité de l’entreprise. L’Etat Zaïrois à l’époque étant bien averti de l’importance de cette question avait le 22 mai 1978, rétrocédé gracieusement 20% de l’actionnariat MIBA à la Sibeka Sa après la zaïrianisation totale de la MIBA le 30 novembre 1973. Cela dans le but que la Sibeka se concentre à aider la MIBA Sa à trouver le bon financement dédié au développement de l’entreprise comme le Zaïre n’était pas éligible à un financement extérieur. Au fil du temps, la vente de Sibeka Sa en 2006 par UMUCOR (Ancien Union-Minière Belge) au Groupe Mwana Africa Plc aujourd’hui Asa Resource Group (Nomination du Groupe après la prise de contrôle par un Groupe Chinois) a fait perdre complètement cet avantage important à la MIBA Sa. Il n’est pas superflu de signaler que l’avènement national du nouveau pouvoir politique en 1997(L’AFDL après le MPR) a été une catastrophe spécialement pour la Miba.
Le deuxième problème (la rentabilité économique de ses actifs), cette rentabilité est restée très faible à cause des coûts de production excessifs, du vol journalier des diamants, du retard technologique des équipements…. Cette faiblesse de la rentabilité comparée au coût du capital élevé suite à l’endettement excessif donne le résultat de l’exercice négatif qui, à son tour, vient réduire le fonds propre de l’entreprise, la confiance des créanciers.
La combinaison de ces deux problèmes au fil du temps a fait entrer la société dans un état de cessation des paiements qui perdure depuis plus d’une dizaine d’année (environ 13 ans) sans qu’une solution ne soit trouvée par les deux actionnaires. Et pourtant, le redressement de la Miba exige au préalable un diagnostic multisectoriel. A mon souvenir d’Administrateur MIBA Sa, celui-ci a été suffisamment bien élaboré par l’entreprise mais, la mauvaise gouvernance de la direction n’a pas permis son application probablement par fautes des moyens compromettant ainsi le redressement de la MIBA Sa.
La dette totale de la MIBA Sa oscille entre 350 à 400 millions d’USD dont la dette sociale due uniquement aux arriérés de salaires est au-delà de 200 millions d’USD. Considérant les avantages tirés de la Convention collective MIBA, la dette sociale totale oscille autour de 300 millions d’USD (Malheureusement non encore certifiée pour des raisons non justifiées alors qu’elle aurait servie de référence pouvant empêcher les détournements d’argent au fil du temps) pendant que la dette long et moyen terme tourne autour de 100 millions d’USD, ce qui donne une dette globale d’environ 400 millions d’USD.
En plus, l’Etat Pouvoir Public à qui la Miba Sa a rendu service dans le cadre de la réalisation de l’équipement économique d’intérêt général paie difficilement pour ces actions généralement sans souci réel de rentabilité et en plus, ils sont hors de l’objet social de l’entreprise. Cette situation de faire crédit à l’Etat sans coût d’opportunité pour une société économique est aussi à la base des difficultés de l’entreprise. La somme que l’Etat doit à la MIBA est aujourd’hui de l’ordre de 47 millions d’USD.
Les conséquences industrielles, sociales et financières de cette situation rocambolesque subie par la MIBA Sa sont catastrophiques dans l’environnement de Mbujimayi : pillage des installations, la paupérisation des agents MIBA et une bonne partie de la population du Kasaï qui dépendait économiquement de l’entreprise, la dépravation très grave de mœurs, la déscolarisation, l’exode important vers d’autres provinces avec l’espoir hypothétique de trouver une vie plus clémente, la chosification de la population ..., la mort arrive dans le dénuement total de plusieurs personnes. La relance de la MIBA Sa exige les traitements de beaucoup d’autres problèmes et non les moindres à savoir : la sécurité du polygone minier de la Miba Sa qui est le théâtre des exploitations illicites, des pillages de gisements Miba. Ne pas traiter ce problème c’est s’exposer aux vols de la production de la future relance ! Le problème de l’exploration du polygone de la MIBA Sa, nous attirons l’attention ici que « l’exploration est à l’Industrie minière ce que la nourriture est au corps humain ». Sans exploration, la MIBA mourra de sa belle mort. Toute personne qui vient pour les Investments à la MIBA ne crée rien de nouveau et d’innovant mais, se précipite à exploiter ce qui existe déjà. Que paie-t-il pour cela ??? 30 millions sont-ils assez ? La certification de la dette globale et sociale et la renégociation de la Convention collective : on ne peut pas continuer de parler de la dette sans connaitre son montant réel ? Les avantages de la Convention Collective ne seront-ils pas dénoncés pour arrêter leurs lourdeurs dans le coût du personnel ?
La situation de l’actionnaire minoritaire, depuis un certain temps, ce partenaire est quasi absent dans la vie de l’entreprise, témoignant ainsi de son manque total d’intérêt par cette violation d’une des dispositions de base de tout actionnariat : « l’affectio societatis ». Cette question devrait être clairement réglée par l’implication de l’Etat actionnaire auprès de son partenaire Sibeka Sa pour donner à la Miba Sa une structure du capital plus claire et plus responsable.
Le problème de certification de gisements MIBA pour augmenter leurs certitudes physiques et leurs viabilités économiques. Cette certification doit être conduite par une société experte avec une réputation internationale pour la crédibilité de résultats. Il est à noter que la certification n’est pas une exploration, elle confirme les réserves déclarées, elle n’en ajoute pas. Au-delà de la certification, l’exploration est impérieuse.
Nous n’avons malheureusement pas trouver A&M Development International comme société minière ni ayant une expérience minière quelconque. La Miba a tout intérêt à souscrire dans une telle démarche qui répond bien au désir de l’Etat Congolais exprimé il y a quelques années et dont le suivi et le paiement de SRK, entrepreneur de réputation internationale qui conduisait la certification, était à charge de la COPIREP sous la direction à l’époque de notre actuel Premier Ministre, chef du Gouvernement.
Le problème de la soustraction irrégulière des réserves de Tshibue à la Miba Sa réalisée par l’Etat Pouvoir Public sans aucune compensation doit être porté à la table de négociations. La MIBA doit faire un rapport sur : les investissements réalisés sur les vingt dernières années, la hauteur de leurs financements et objectifs poursuivis, les résultats obtenus. Ceci clarifiera les efforts de développement de la MIBA Sa. La question cruciale de l’énergie électrique sans quoi tout effort de production viable sera vain sans ce facteur de production. Examen des autres potentiels de la Mibà pour participer à l’effort de developpement : Nickel-Chrome, Or, Ciments, agriculture….Enfin le problème principal et épineux de la cessation des paiements qui reste un problème exclusivement de la MIBA Sa . Comment alors sa relance peut-elle être obtenue par la cession de son plus important actif minier à une Jointe Venture, société à créer avec sa personnalité juridique distincte de celle de la MIBA Sa ?
Plusieurs questions logiques se posent émanent du projet de contrat entre la MIBA et son potentiel partenaire A&M Development International à savoir :
• La cession du massif 1 sera définitive et irrévocable dès l’endossement du titre couvrant l’actif en question (article 182 du Code Minier version 2018) quels seront alors les gisements de la MIBA Sa pour son exploitation après la cession du massif 1 ? Avec quels gisements la MIBA va-t-elle relancer sa production ? Est-ce le peu de gisements alluvionnaires dispersés dans le polygone avec l’incertitude de leurs existences physiques et viabilités économiques nécessitant la certification suite à l’écrémage dont ils ont subi depuis des années à l’intérieur du polygone ? L’écrémage réalisé par des trafiquants miniers (utilisant des creuseurs) pillant avec l’aide de quelques dirigeants MIBA moyennant paiement pour leur compte. Ces trafiquants sont ceux qui ont les comptoirs de diamants réputés de production artisanale alors que tout vient du polygone de la MIBA, à ceux-là s’ajoutent : l’affairisme des dirigeants politico-administratives en complicité avec des éléments des forces de sécurité.
• Le pas de Porte de 30 millions n’est pas remboursable. Il est dit qu’un versement de 180 millions d’USD sera réalisé pour l’achat des équipements destinés à relancer la production dit-on, Cet investissement est relatif à quel projet minier étudié ? Est-ce pour l’intérêt de la relance de la MIBA Sa ou pour la JV à créer ? Ces questions de transparence nécessitent des réponses sans équivoques de la part de la Miba.
Il est crucial de rappeler ici que la cession du Massif 1 ne peut être réalisée qu’après sa certification complète parce que l’acte de cession doit contenir le prix du transfert dépendant des résultats de la certification et d’autres obligations dont les droits de maintien du titre non payé depuis plusieurs années par la MIBA.
• La création de la Joint-Venture MIBA Sa-A&M Development International est la chose la plus facile à faire. La JV créée ne pourra pas avoir l’actif minier recherché pour son exploitation que dans probablement deux à trois ans à cause de la certification de ce gisement. Si la mise de la MIBA dans la JV est le Massif 1, il ne serait pas indiqué ni normal que sa certification soit faite par le partenaire de la MIBA dans la JV parce que ce dernier a intérêt et avantage à minimiser la mise et donc la valeur de la certification. Une raison de plus pour ne pas choisir le partenaire pour la certification.
• L’investissement de 180.000 000 USD sera-t-il payé avant la fin de la certification ? Que fera la MIBA quand la valeur du gisement sera plus importante que les 180.millions d’USD ? Il est clair que le partenaire ne saura pas exploiter le gisement tant que celui-ci ne sera pas encore cédé à la JV ?
• Quelle est la garantie que la Miba Sa donne aux travailleurs qui possèdent actuellement au minimum 65% de tout l’actif MIBA Sa pour leurs paiements inclus celui des autres créanciers si le Massif 1 est cédé à une autre société qui n’est plus la MIBA Sa ? Va-t-elle attendre la distribution hypothétique de ses dividendes venant de sa nouvelle jointe venture ??? N’a-t-on pas suffisamment appris de nos erreurs du passé avec la Gécamines , la Sengamines, la Sokimo, la Miba …..avec l’attente interminable de la distribution des dividendes pour payer une dette certifiée dans un état de droit que nous tenons tous à construire??? Ou pense-t-elle produire suffisamment avec le reste des gisements incertains, éparpillés, avec une grande découverture à réaliser ? A-t-on les projets miniers y relatifs ??? pour savoir en parler ???
Il ne faut pas oublier que la dette MIBA Sa relève de la responsabilité exclusive de la MIBA Sa et non de la JV.
• Le Massif 1 est à la Miba Sa ce que la filière Sulfure pour le Cuivre et le Cobalt était pour la Gécamines : (Mashamba Est et Ouest, Dikuluwe, Kamoto Mines, Concentrateurs Kamoto1 et Kamoto2, les Concentrateurs Dima1 et Dima2 ainsi que les usines hydométallurgiques de Luilu).
Comment peut-on imaginer céder les gisements à potentiel d’un grand gain pour la Miba Sa qui perdura pendant quelques décades pour garder ceux à accès difficiles, nécessitant une grande découverture, pour peu de diamant dans l’ensemble ?. Mais disons le, la situation de la Gécamines est moins mauvaise que celle de la MIBA.
Cela ne peut certainement pas être pour la relance de la MIBA Sa mais plutôt pour assurer sa disparition certaine sans même envisager un effort d’exploration dans son polygone ???
Monsieur le Président,
Plusieurs questions se soulèvent dans ce projet et la relance de la Miba Sa ne se voit pas clairement. C’est bien du déjà vu et malheureusement aussi pas payant pour nous mais bien pour l’investisseur qui aura gagné la cession irrévocable sans beaucoup d’effort si on n’y prête pas attention.
Nous sommes par contre pour le projet où la Miba Sa fait la cession des alluvionnaires connus dans le polygone et le projet d’exploration d’un certain périmètre dans le polygone pour exploiter ensemble si le gisement est découvert. Le Massif 1 sera exploité par la MIBA en interne, peut être avec l’aide technique de miniers maitrisant la kimberlite. Cette voie est bénéfique pour les deux parties et reste bien possible.
Tout en vous remerciant de l’attention voulue et soutenue de nous lire pour cette question importante pour la Miba, pour le Kasaï et pour notre pays, nous vous prions d’agréer Monsieur le Président de la République, chef de l’Etat, l’expression de nos sentiments les plus déférents.
Jacques-Prosper Ngandu-Kayembe