Je soutiens les idées et les actions du président de la République. Mais cette réflexion est ma contribution scientifique au débat national sur la gratuité de l'enseignement
Pendant plus de 15 ans, j'ai été enseignant, préfet des études et promoteur des écoles privées. J'ai participé à plusieurs réflexions sur la gratuité de l'enseignement et j'en sais quelque chose. A ce stade, la réussite de la gratuité ne peut être possible que graduellement car cela nécessite d'abord des réformes courageuses.
1° Défi immense et complexe.
* 2, 9 milliards de dollars pour la gratuité de toutes les écoles publiques soit 41% des recettes publiques du pouvoir central. un pays sérieux, aux multiples défis de développement, ne peut se permettre le luxe de consacrer la moitié de son budget à un seul secteur , éducatif soit-il.
* Pour le moment, seules 30 773 écoles publiques budgétisées sur les 51 574 que compte le secteur public, vont bénéficier de la gratuité de l’éducation de base (qui commence à la maternelle et comprend une partie du secondaire ).
Les 20 801 écoles non-budgétisées devront quant à elles encore attendre pour bénéficier de la gratuité de l’éducation de base.
QUESTION; Que faire des enfants qui étudient dans les écoles publiques non concernées par la gratuité. .?
2° Des exigences et des préalables
* Des exigences, il faut noter le paiement de 542.834 enseignants pour un montant de 2,7 milliards USD dont 132.614 enseignants à mécaniser.
* 113 millions USD pour le fonctionnement de l’enseignement de base et des bureaux gestionnaires , 8 millions USD pour la prise en charge par l’Etat des frais des bulletins pour 13.579.065 élèves.
3° De la loi des finances 2019
* L 'analyse de la société civile sur le projet de loi des Finances 2019 renseigne que sur 25 millions d’enfants à l’âge de scolarisation, la RDC investit par élève 38,7 USD par an. Par contre, en Angola, le budget investi pour chaque élève par an est de 690,7 USD, la République du Congo est à 334, 60 USD.
* Avec un Budget de 5,9 milliards USD en 2019, les dépenses de l’Enseignement primaire et secondaire sont évaluées à 692,9 millions USD, soit 71,24% de l’ensemble du budget alloué à l’Enseignement national, 80% des allocations budgétaires de l’EPSP étant affectées à la rémunération du personnel administratif et enseignant.
Un faible taux d’exécution des dépenses d’investissement.
Par ailleurs, une étude menée par l’Observatoire de la dépense publique sur les dépenses des secteurs sociaux de 2012-2016, démontre que l’exécution du budget de l’EPSP reste marquée par une prépondérance des dépenses de la rémunération (90%) et un faible taux d’exécution des dépenses d’investissement.
* Selon la même source, à ces jours, environs 140.269 enseignants attendent la mécanisation et réclament le paiement de 100 USD pour un huissier. Le Budget 2019 a prévu une mécanisation de 8.300 enseignants sur 140.269.
Ce Budget prévoit le financement de 2,8 millions USD pour la formation de 560.000 enseignants, soit 5,1 USD par enseignant, 28,6 millions USD pour le fonctionnement de 2.406 bureaux gestionnaires et 27.696 écoles primaires, soit 951,4 USD par école par an.
4° De la qualité de l'enseignement et de l'impossibilité de la mise en oeuvre de la gratuité de l'enseignement pour la rentrée scolaire 2019-2020
A la lecture de ce qui précède, la perte de la qualité de l'enseignement en rd congo est inévitable....Faible financement de l’éducation, la corruption dans le système éducatif (élèves, parents, inspecteurs, enseignants, etc), l’absence de qualification du personnel enseignant, le phénomène 100% pour le diplôme d’Etat, la multiplicité des frais conduisant les familles pauvres à ne pas envoyer leurs enfants à l’école. Bref, l’école ne pourrait pas être accessible à tous les enfants si le phénomène de prise en charge de l’enseignant par les parents perdurait.....
En plus de cela, avec une analyse froide des éléments avancés, il est clair que l'application intégrale et maintenant de la gratuité de l'enseignement primaire en rd congo est impossible. il faut en premier lieu des réformes économiques courageuses capables d'augmenter la richesse nationale qui aura un impact sur l'augmentation du budget. Et en plus, ne pas perdre de vue que les réformes, lorsqu'elles sont engagées, ne produisent pas les effets la même année...
Patrick Egboyo Gombele/Ancien chef d'établissement scolaire et promoteur des écoles. Expert en finances publiques.