Après plus de 7 mois de négociation en vue de former un gouvernement, la coalition du président actuel Félix Tshisekedi (CACH) et le FCC, la plateforme politique du président honoraire Joseph Kabila, sont parvenues à s’accorder sur la mise en place du prochain gouvernement. De la bouche de Jean Marc Kabund, ce gouvernement sera composé « de 65 membres dont 46 ministres dont 23 pour le CACH et 42 pour le FCC ». Eléphantesque, budgétivore, les critiques n’ont pas tardé. Pour le site d’information économique en ligne DesckEco, le « volume des dépenses de 65 cabinets ministériels est évalué à 662 millions USD par an », soit environ 13% de nos recettes habituelles. Cependant, je suis d’avis que cette lecture pessimiste quant la composition du Gouvernement réside d’une analyse effectuée selon un paradigme qui peut ne plus être d’actualité. Si hier, le Premier Ministre et ses ministres ne rendaient compte à personne quant à leurs gestions et nominations au sein de leurs cabinets, les choses peuvent être différentes aujourd’hui. Pour cela, le Parlement ainsi que le Président de la République peuvent jouer un rôle novateur qui impulserait un changement réel par rapport à ce qui se faisait avant. A cet effet, il faut juste appliquer les prérogatives légales de chaque institution de manière à diminuer considérablement le coût de fonctionnement des cabinets ministériels, y installer un processus de redevabilité permanente et pourquoi pas imposer la parité. Ainsi, nous aurons un gouvernement qui nous coûtera beaucoup moins que 662 millions USD composé d’homme et de femme qui travaillent réellement. Je m’explique !
Obligation constitutionnelle
Combien gagne le Premier Ministre et les ministres ? C’est une question essentielle lorsque l’on analyse le coût du fonctionnement d’un Cabinet. Pourtant, peu de personne sont en mesure de répondre à cette question, personne ne le peut d’ailleurs. En effet, l’article 95 al.2 de la Constitution stipule que « les émoluments des membres du gouvernement sont fixés par la loi de finances ». Cependant, depuis 2006, aucune loi des finances n’a fixé le salaire du Premier Ministre et des Ministres. Il faudrait, à mon sens, commencer par exiger au Parlement d’appliquer cette obligation constitutionnelle lors des prochaines discussions sur la Loi des finances de l’exercice 2020. A titre illustratif, le Premier Ministre français Edouard Phillipe est payé 15000 euro net par mois et ses ministres encore moins, pourtant ils sont à la tête d’un pays dont les recettes sont nettement supérieures aux nôtre. Par conséquent, nos ministres devraient logiquement être payé moins que ça. De surcroît, cela serait une occasion de rompre avec les pratiques passées et lancer un message clair selon lequel « l’on ne fait pas de la politique pour s’enrichir en RDC ! ».
Fonctionnement du gouvernement
Pour arriver 662 millions USD pour le fonctionnement annuel des cabinets ministériels, les auteurs de DesckEco partent de la prémisse que selon « les us et coutumes un cabinet ministériel compte environs 80 membres reconnus par l’arrêté ministériel. Pour 65 ministères, on aura donc 5 200 personnels politiques ». Une pléthore en effet ! Cependant, les choses peuvent aller dans un autre sens malgré le nombre important des ministères. En effet, à la sortie du Gouvernement, le Président de la République prend l’Ordonnance portant organisation et fonctionnement du gouvernement, modalités de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement ainsi qu'entre les membres du gouvernement. A cette occasion, le Président de la République peut y inclure une disposition stipulant que les cabinets ministériels sont composés de 40 membres répartis de la manière suivante : 1 Directeur de Cabinet, 1 Directeur de Cabinet Adjoint, 10 conseillers, 10 chargé d’études, 1 chargé de mission et 17 personnels d’appoint. Cela diminuera sensiblement le coût de fonctionnement de ces cabinets. Il en va de même pour le cabinet du Premier Ministre dont le Président de la République peut imposer, via cette même ordonnance, une composition restreinte qui limiterait les dépenses de son fonctionnement.
Redevabilité du Gouvernement
Toujours dans le même ordre d’idée, l’Ordonnance portant organisation et fonctionnement du gouvernement, modalités de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement ainsi qu'entre les membres du gouvernement est aussi une occasion pour le Président de la République d’imposer un mécanisme de redevabilité permanent du gouvernement. En effet, à l’instar de l’idée du contrat-programme qu’il avait proposé aux Gouverneurs de province, cette ordonnance est une occasion pour lui d’inclure une disposition qui exigerait, à chaque ministre, d’élaborer et de publier au Journal Officiel une feuille de route déclinant les objectifs annuels de son ministère subdivisé en action spécifique. Une autre disposition, dans la suite de la première, obligerait une publication trimestrielle du niveau de réalisation de cette feuille de route. Cet exercice permettra à la fois au Président de la République mais surtout au public d’être au courant, de manière objective, de ce qui doit être fait dans tel ou tel secteur et d’être en capacité de juger de la qualité du travail effectué par ce gouvernement ! Avec un tel mécanisme, les médiocres ne feront pas long feu !
Parité
Dans son discours à l’occasion de la journée internationale des droits de la femme le 8 mars dernier, le Président de la République avait annoncé qu’il va personnellement s’engager pour l’effectivité de la parité homme-femme dans les institutions de la République. A ce sujet, l’article 14 de la Constitution nous renseigne que « la femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions ». Malgré ces dispositions, il n’est pas rare de voir les femmes confinées au rôle d’hôtesse d’accueil, opérateur de saisie, secrétaire et autre fonction de la même catégorie. Si, dans son ordonnance portant organisation et fonctionnement du gouvernement, le Président y insère la disposition selon laquelle la composition des cabinets ministériels est établis de manière paritaire dans chaque catégorie de fonction, les ministres n’auront pas d’autres choix que de nommer à part égal le même nombre d’homme et de femme dans chaque catégorie de poste. Un mécanisme qui permettra de rendre la parité effective au sein des cabinets ministériels.
Conclusion
En somme, la mise en place de ce Gouvernement aussi éléphantesque soit-il est une occasion de rompre avec les pratiques du passé et d’innover en regardant vers l’avenir. Limiter les dépenses, rendre le Gouvernement redevable et instaurer la parité en son sein constituera une première étape vers l’évolution que nous aspirons tous. Nous avons eu l’alternance à la tête du pays certes, il est maintenant temps d’appliquer une alternative quant à la gestion du pays.